EDC de Chlore~74577

– M’bordel… C’quoi ce réveil…

Après sa fusion avec le canapé de son appartement, deux jours plutôt, la voici qui avait fusionnée avec le matelas de son ami – et colocataire –… Sauf que cette fusion-là semblait avoir durée bien plus longtemps qu’une soirée et une nuit. Ses muscles, organiques comme synthétiques, étaient engourdis, à tel point que le simple fait de tourner la tête lui paraissait un effort incommensurable. Na-Zim n’était pas à ses côtés, mais au vue des couvertures remontées sur elle, il l’avait était, avant de repartir : elle avait dû roupiller une bonne paire d’heures. Elle retourna la tête de l’autre côté, plus facilement que la première fois, et repéra son com’, posé sur le petit meuble. Si elle avait tant dormi, elle devait avoir une tonne de messages…

Elle leva une main vers celui-ci, et trouva son mouvement bien plus lourd qu’à l’accoutumée. Pourtant, elle n’était pas entièrement faite de métal, aux dernières nouvelles… Quelque chose clochait. Dans un grognement irrité par son propre manque de vigueur, elle étendit les doigts vers son communicateur, le touchant, l’attrapant presque… Avant de le faire tomber au sol, résonnant contre le plancher de l’appart’. Chlore ne put s’empêcher de gémir de frustration à l’idée de devoir finalement bouger plus que ça, et se rassit comme elle put, mécontente. Son corps aussi lui parut alourdi, encore plus lorsqu’elle se pencha en avant pour ramasser son com’ et manqua de plonger tête la première dans le mur. Elle s’était rattrapée d’une main contre celui-ci, et soupira de soulagement lorsqu’elle parvint enfin à récupérer le petit appareil. Mais alors que ses muscles commençaient à récupérer de leur tonus et qu’elle se redressa un peu plus rapidement, le haut de sa tête heurta le meuble à côté d’elle.

– M’rah, mais merde à la fin !

Elle n’avait pu retenir son exclamation agacée, et se laissa retomber en arrière sur le lit, soupirant. Il y avait mieux, comme réveil.

Après quelques secondes pour contenir d’autres jurons, elle alluma son com’, yeux rivés sur l’écran. Et il y avait définitivement quelque chose qui clochait… La date. La date clochait.

– … M’pardon ?!

Et une exclamation de plus. Son visage préalablement ennuyé était désormais largement choqué : elle avait dormi bien plus que quelques heures… Puisqu’elle avait passé plus d’une journée à pioncer. D’un coup, elle en voulait un peu moins à son corps d’être aussi lent… Par contre, au peu de messages qu’elle avait, elle ne put s’empêcher de faire une moue. Elle parcourut la liste un instant, avant de tomber sur celui de Na-Zim, et se mit à sourire. Au moins un qui ne l’avait pas oubliée. Il lui disait qu’il avait filé faire ses heures, et elle lui répondit qu’elle venait tout juste de sortir de son sommeil, avant de lui demander s’il allait bien. Elle l’espérait, en tout cas.

En attendant une réponse de sa part, elle envoya un autre message, cette fois à ses deux protégés… Un message très délicat, sans la moindre once d’agressivité… Hormis peut-être pour les quelques jurons et la promesse de les cuver s’ils ne répondaient pas très, très vite. Elle ne pouvait pas vraiment cacher que le fait qu’ils ne lui avaient pas envoyé le moindre message l’emmerdait… Tout comme elle ne pouvait cacher son inquiétude à leur égard. Il pouvait s’en passer, des choses, en une journée, et elle le savait très bien. Et elle commençait d’ors et déjà à imaginer les pires scénarios possibles… Jusqu’à ce que son com’ sonne. Une fois. Deux fois. Trois fois. Elle rabaissa les yeux sur l’écran, et, à la lecture des derniers messages, exhala presque autant d’air que de stress : ils allaient bien, tous les trois. Et étrangement, tous avaient dormis autant qu’elle.

Le message suivant arriva sur le com’ du bar : sa patronne demandait si quelqu’un pouvait aller s’occuper des racks. Ni une, ni deux, Chlore répondit positivement à l’appel, et se remit sur ses pieds, finalement réveillée. En quelques minutes à peine, elle était à son appart’, et une dizaine après, avait fini de prendre une douche, aussi rapide qu’elle le put. Elle fila ensuite au bar, et ouvrit les racks. Apparemment, le reste du secteur aussi avait roupillé. Un véritable black-out.

Le reste de sa journée s’était déroulé bien plus rapidement : elle avait fait ses heures au comptoir, servant les – très – rares clients de la journée, offrant un repas à l’Elfette, et échangeant quelques messages amusés avec l’outrilien. Elle avait passés pas mal d’instants à sourire devant son communicateur et à y pianoter ses réponses dès qu’elle en avait l’occasion. Et elle avait beau nier des tonnes de choses, même à elle-même… Elle ne pouvait pas mentir là-dessus : elle avait hâte de le revoir.

Alors quand il lui avait envoyé qu’il était à l’appart’, et que si elle se dépêchait, elle pourrait récupérer sa dose de câlins promise plus tôt, forcément… Elle avait accourue. Elle avait fini la préparation de ses œufs durs aussi vite qu’elle avait pu – soit au rythme de la gazinière –, s’était rapidement excusée, puis s’était élancée hors du bar encore plus vite. Et elle qui se perdait encore régulièrement dans le quartier-même où elle habitait retrouva l’adresse de tête, presque instinctivement. Elle était entrée dans l’immeuble en trombe, avait tapé le digicode à toute allure, et parcourut le couloir au pas de course, avant d’enfin atterrir dans l’appartement. Il était là, assis sur le canapé, lui tendant les bras en un sourire amusé, tandis qu’il lui disait de se dépêcher. Et elle n’hésita pas plus longtemps, balançant sa sacoche à ses pieds sans le moindre ménagement envers la bouteille de Skiwi s’y trouvant, et alla se jeter dans ses bras.

Là, le piano se tut. Après tout, elle n’en avait pas besoin : il était là, et sa voix lui suffisait amplement. Elle ne se sentirait pas seule, tant qu’elle serait dans ses bras.