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EDC de Casey

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Celui qui toisa.

. : Ou l'aversion mimétique : .
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.Il était Nuit...
Comme habituellement après une journée presque infinie, tel l'espace qui s'étend constamment dans l'immensité du temps, le militaire se prélassait dans un coin du salon, ouvert sur le bar, bien engoncé dans son fauteuil douillet. Le sombre. Ni trop ferme, ni trop mou. Une assise équilibrée et idéale en somme. C'était un des rares moments opportuns où il pouvait se faire envahir par le repos de son clone éreinté et de son âme alourdie.
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Dans sa main droite, un verre carré d'ambre de qualité supérieure, brillait de mille et un éclats dans cette ambiance tamisée, qu'il aimait tant retrouver. Quant à son épouse, la blonde aux oreilles pointues, elle lui jouait un air entrainant, chaloupant de son buste droit et fier. Ses petits doigts jouaient sur le piano, un subtil mélange de mélancolie et d'espoir. Paradoxe exquis, qui sonnait comme un Requiem pour un monde défiguré, et à jamais.
Il faudrait que tu m'inities à cet art dont tu maîtrises si bien les secrets...
Fidèle à ses expressions dures et sévères, l'humain fronça de ses sourcils, concentrant davantage son attention sur elle, particulièrement sur son jeu de mains étonnant. Mais l'alcool lui ayant profondément brouillé ses sens, il se laissa surtout porter dans de lointaines pensées. Ses pupilles en témoignèrent par leur dilatation si caractéristique, et reflétèrent les luminaires chaleureux des appliques, qui dominaient un peu partout ci et là dans la villa.
Que je maîtrise "si bien", tu me flattes, comme toujours chéri.
Et dans cette nuit Fauve, son esprit volatil s'embruma, entrainé par la polyphonie nocturne. Un peu à l'image de l'éternelle atmosphère smoggeuse qui recouvrait la Cité. Une sorte de drap laineux et dense, mi-ocre, mi-gris. De ses marrons assombris, il put d'ailleurs percevoir cet épais brouillard constant à travers la large baie vitrée qui donnait sur le dehors. Il perçut même quelques ombres errantes, certaines immobiles, d'autres fuyantes.
Chéri... ?
Mais ses mirettes reprirent de cette brillance toutes étincelantes, à la lueur chaudes des candélabres électroniques. Ainsi tintées, elles revinrent vers l'intérieur pour détailler à nouveau, très attentivement, la silhouette elfique qui se dessina devant lui et qui lui donnait le dos. De derrière, elle semblait sourire de le voir ainsi rêveur, tandis qu'elle se mouvait allègrement, portée au rythme de ses petites mains, sur le clavier de blanc et de noir.
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Elle ouvrait donc son univers musical pour embarquer le brun taiseux à travers des harmonies, tantôt graves, tantôt parées de légèreté. Les mélodies, elles, s'envolaient en une myriade de motifs quasi-irréels. La blonde changeait de rythmique à l'envie, teintant sa musique de tout un spectre d'émotion qui semblait exorciser l'âme tourmentée de l'humain imbibé d'éther.
Hm... Oui-oui ma chérie, je t'écoute, j'appréciais ton jeu...
Dit-il distrait. Préoccupé en son for intérieur par l'aveu inédit; depuis quand n'avait-il pas eu des nuits aussi apaisées et calmes, que depuis dernièrement? Il n'arrivait même plus à se remémorer ses lointains épisodes ataraxiques. Des temps immémoriaux étaient sûrement passés par là. Semblait-il, qu'il recouvrait peu à peu de sa sérénité d'antan.
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Mais les attaques persistantes contre le symbole même de l'Imperium - dont la profanation de la Domus Imperatoris en était une parmi tant d'autres - l'abimèrent d'une manière ou d'une autre, au plus profond de son être. Cela raviva ses plus profonds et colériques démons. Ces derniers relâchés, sortirent mugissants, hurlant vendetta à tue-tête, réclamant vengeance écarlate. Tout cela accentua à son paroxysme son versant le plus ombreux de sa personnalité, qu'il avait pourtant soigneusement réprimé.
...Casey ? Tout va bien ?
Derrière cette rigueur militaire très ordonnée et moderne, se cachait en fait un homme terriblement croyant, qui faisait pénitence. Une posture héritée d'une Tradition lointaine, à l'Aube de la Création. De cette Tradition, émergea une foi inébranlable. Une foi qui s'est fusionnée, agglomérée dans le temps avec le besoin que l'Humanité avait de survivre, engendrant dans son sillon cendré, la communauté des Hommes. L'Imperium originel. Une institution dont les plus fanatiques ont hérité à travers les âges et les époques. Il ne faisait aucun doute qu'il était un de Ses enfants. Un produit Marranite fier et élevé sous Son Regard.
Excuse-moi Edi... je vaquais à des réflexions...
Son visage se baissa et sa paume se plaqua contre celui-ci. Aux prises à nouveau avec ses sombres réflexions, son propre regard alors se détourna d'elle, le temps d'une mesure, pour venir fixer le contour du miroir, qui trônait à l'orée de la salle-à-manger. Bien tapi dans la pénombre naissante, celui-ci lui projeta son reflet halluciné qu'il étudia âprement. Son Alter Ego ainsi reflété, lui est apparu telle une ombre inconnue.
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Le militaire mira alors celui qui le toisa, d'un air totalement absent. Il fut si profondément absorbé dans son propre regard intense et marron, que cela lui parut être une éternité. Puis, sa conscience soupira quelques mots cryptiques, qui fleuvèrent dans cette atmosphère éthérée à destination de son épouse, dont il n'arrivait plus à lui cacher sa nature.
Nos ennemis intimes sont devenus puissants à travers les neuf secteurs. Ils ont déformé le Visage de notre doctrine. En vérité, je comprends désormais le sens et l’avertissement des rêves qui m'accablaient: Notre existence même est en danger. Et l’ivraie veut s’appeler graine.
Cependant, le port du Masque tacheté de vermeil, semblait s'étendre sur lui comme des lambeaux de ténèbres qui recouvriraient le visage des damnés. Comme si ce Masque était vivant et animé d'une volonté propre, et qu'il tentait insidieusement d'oblitérer son humanité pour l'incliner vers ce dont elle a en horreur; le Doute et le Chaos, contre l'Humanité.
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On aurait dit que cette dernière s'envolait à son simple contact de carbone; froid et brut, contre son faciès de chair et de sang.
Ces rêves "qui t'accablaient" ? Notre doctrine... "en danger" ? Qu'est-ce que...
Se réchauffait-il, le soir venu, sur un bord de feu de napalm, badigeonné jusqu'aux coudes et aux bottes dans l'hémoglobine vive de tous ses ennemis terrassés? Tel un rituel obsédant; psalmodiant les versets du bréviaire des Impérialistes pour s'élever haut dans la Foi tel un zélote.
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Mais surtout, tuer pour ne pas être tué. Tuer pour conjurer bien des morts. Des morts qui jadis furent des compagnons, des mentors, des proches, voire des ennemis intimes. Des morts dont il pleure encore en sourdine leur disparition prématurée.
Je pensais tout haut. Cet air mélancolique que tu me joues me perturbe. Pourtant, tu es si joyeuse... quel contraste.
Un contraste qui était au coeur même de sa personnalité faite d'apaisement et de doute. De chaud et de froid. De chaud, lorsqu'il est au contact de celle qui illumine désormais ses sombres nuitées. De froid, lorsqu'il est au contact de ceux qui tentent de l'éteindre à la lueur des matinées embrumées.
Contraste qui résonne en toi aussi, visiblement, chéri.
Ce regard qu'il a eu vers le miroir, peut-être l'a-t-elle entraperçu furtivement? Il était en tout cas indéniable qu'elle se doutait, de plus en plus, qu'il lui cachait quelque chose. Elle sentait qu'au plus profond de son être, celui avec qui elle partageait sa vie, dissimulait l'inavouable. Ce dont il se refusait catégoriquement de montrer à la lueur de ses nitescentes émeraudes, lorsqu'elle le regardait de sa bienveillance coutumière.
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Sans se dérober aucunement, elle cessa alors son jeu sur le clavier. Se tournant vers lui pour lui faire pleinement face, elle se leva avec une grâce, dont elle seule avait le secret. D'un pas léger et doux, elle se dirigea vers lui, mirettes attentives. Se blottissant enfin contre lui dans le fauteuil, elle lui releva alors la tête de son index glissé sous sa mâchoire pileuse et brunâtre. Et yeux dans les yeux:
Pourrais-je seulement imaginer tout ce que ces yeux ont vu ?
Beaucoup de choses, ma chérie. Peut-être trop...

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