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La leçon de tir.

. : Ou la philosophie de l’Être et du Paraître : .
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La soirée battait son plein, alors que l’Envoûtante apparut silencieusement dans l'encoignure de la porte qui donnait sur le salon, armée de deux pistobilles. Arborant un rictus aux coins des pulpeuses sombres, elle le menaça de ceux-ci ouvertement. Elle continua de toiser ainsi le brun vautré dans le canapé, qui quant à lui, sirotait paisiblement un verre d’ambré, rempli au quart. Car ce soir, il était des optimistes.
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La communication entre eux se faisait toujours en sourdine. Une fois n’était donc pas coutume, alors il posa son verre à fond carré sur le bord de la table basse, se leva, puis se dirigea vers le Jukebox adjacent au piano à queue, près du bar. Il chercha un moment dans la playlist au million de titres et finit enfin par lancer une musique légère. Le trentenaire, en se tournant, lança un léger sourire complice vers la malicieuse taquine.

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D’emblée, comme une exergue à la discipline, il lui lança sur un air solennel ce qui s'apparentait à une question purement rhétorique.
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-Ma chérie, tu sais pourquoi j’aime tant le tir, en tant que militaire et non pas en tant que passionné?
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Il s’écarta du Jukebox pour la rejoindre à pas lents, tandis que la musique d’un autre âge diffusait doucereusement dans toute la villa. Quel contraste avec les sauts vifs du prédateur, visant, tirant, bougeant. Mais la même assurance dans le pas félin qui le rapproche d'elle, la voix grave qui l'enveloppe.
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- ...parce que sur le champ de bataille, je ne suis personne. Dans la confusion totale, la cacophonie ambiante est seul métronome. Quelque part là-dedans, je reste un fantôme, un murmure. Alors que pendant ce temps, nos collègues s’en donnent corps et âme dans la mêlée. Ils comptent sur nous, pour assurer leurs arrières. Assurer l'intégrité de l'Imperium tout entier. Lourde tâche et lourde responsabilité qu'il faut s'acquitter sans faille. Là est notre fierté.
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Si il savait. Les fameux collègues... L'avis méprisant de la trotteuse. Ceux des soit-disant amis. Nul besoin de les entendre, elle sait, lit la fausseté de leur regard, leur égocentrisme qui les pousse à chercher à plaire. Même de ceux qu'ils méprisent, au fond. Heureusement à la marge.
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Le ton se durcit, son regard marron bien connu s'affirma. La posture même de son corps, se raidit.
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-Aucun répit pour les ennemis des Frères Enclism, qui nous ont érigé des valeurs saines comme socle fondamental à notre civilisation. Ils ont élevé l'Homme avec une dignité, bien debout sur ses deux jambes, écartant ainsi le bon grain de l'ivraie. Celle-là même qui a poussé et pris racine dans l'eau croupie et boueuse. Mère amère. Foyer anarchique d'où a surgi la barbarie clanique.
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Prêche pour une convaincue. Discours en ossature, qui repose le cadre rassurant. L'elfe est fragilisée, sa confiance égratignée; ses figures d'autorité laissent trop voir du mou, du salissant, de la laideur. Du compromis à la compromission. Un petit "ion" de trop, le même teintant l'Orion.
Les Valeurs.
Les yeux farins le remercient sans mot. L'humain sait la raccrocher à l'essentiel.

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Il reprit un peu de sa respiration, pour continuer sur le même ton ex cathedra. La musique se juxtaposa un ton sous sa voix, donnant un air étrange à l’ambiance.
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-Le placement parfait découlera toujours d'une rigoureuse observation lors des affrontements. Et notre discrétion est une arme extrême qu'il ne faut aucunement négliger. En réalité ils sont étroitement et conséquemment liés à notre discipline. Ce sont en fait les principaux axes où nous autres, tireurs, devons être irréprochables. Exceller même.
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Le ton se fait plus bas, comme confidentiel, cette fois.
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-En réalité pour un militaire, c’est ainsi qu’il espère disparaître; silencieusement, tombé au combat pour l'Humanité. Paradoxe pourtant, car nous rêvons tous de cette étoile à notre nom, plaquée sur un quelconque monument, en souvenir de nous. Mais nous ne sommes personne, ma chérie. Vraiment personne. Seule la postérité jugera de nos actes. En cela, nous devons questionner notre posture, continuellement, avec un regard critique et détaché.
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Un long soupir suivi d'une métamorphose nette du visage pourtant si dur d'habitude. A présent il affichait une mine triste, songeuse. Ce qu'il s'apprêtait à évoquer, semblait lourd et pesant sur sa conscience. Les mots s’entremêlèrent, suivis de douloureux maux dans sa poitrine.
Une épaule s'appuie contre lui, une main recouvre le poing crispé. Le laisser parler, encore. Être simplement là, tout contre, quand la cuirasse se fissure.
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-Alastor n'est plus. Un des derniers hommes dont mon respect lui était totalement acquis. Lui, n'a même pas eu la chance de tomber au combat, avec ses hommes. Damnatio Memoriae à son abject assassin qui reproduisit l'immonde, l'innommable acte. Dans le sang, il a souillé la mémoire d'Hujan Enclism en ciblant ainsi lâchement Lord Hoblet, qui plus est dans la quiétude du sanctuaire de la Terre Sainte. La pire des bêtes malfaisantes y réfléchirait à deux fois avant de s'illustrer dans une telle abjection. Qu'il soit hors de la communauté des Hommes, à tout jamais.
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Une petite pause, la voix avait légèrement vacillé dans les tons métalliques. Tout son art de la retenue et du détachement furent presque envolées. Il était profondément touché. Définitivement accablé.
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-J'avais un contact avec Alastor, dernièrement, comme tu le sais. Et...je lui en ai voulu de m'avoir écarté de l'expédition sur Galibran, mais sa justification était logique. Il m'a dit...que je lui rappelais ses jeunes années. J'imagine qu'il se voyait à travers moi... Quoiqu'il en soit, ses mots m'ont terriblement apaisé, jusqu'à ce que ma déception soit éteinte. J'espère qu'il a été fier de ce que je suis. De ce que j'essaie humblement de refléter. Il me manque déjà. Un repère de plus pour l'Humanité qui se voit disparaître par la folie des Hommes. Damnatio Memoriae à son assassin.
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Il retroussa les manches de sa chemises d'un geste adroit, tandis que sa tirade surfait subtilement sur d'autres sujets d'importance. La mort semblait revêtir une bénédiction dans l'immensité du Temps qui passe. En contrepoint, l'éternité elle, en devenait angoissante.
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-Tu vois, au milieu de personnalités comme Alastor Hoblet, nous ne sommes personne ma chérie. Seuls quelques noms prestigieux se démarquent.
-Toute vérité nécessite une démarche pratique.
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Aura-t-elle soufflé, citant un de ses axiomes préférés pour illustrer la leçon de l'humain, avant de le laisser continuer.
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Quant à lui, il aura souri à son adresse, un sourire en coin, teinté de fatalisme probablement, alors qu'il acquiesça lentement du chef, accentuant son amertume. Se reprenant enfin, il continua son exposé entre philosophie et technique pratique pure.
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-C'est donc pour cela, qu'il faut impérativement fuir la surexposition. La discrétion est l’apanage de ceux qui maîtrisent les événements et leurs contours. Note bien ceci, Psyché; ne t'expose jamais outre mesure, sois toujours équilibrée et juste dans tes choix, qu'importe la dureté des mots, et appréhende froidement l'adversité qui se dresse devant toi, quelle qu'elle soit.
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Son regard sévère se verrouilla sur elle. Ainsi il était, même avec celle qu'il aimait. Aucune douceur dans les contours de son visage lorsqu'il s'agissait de ce genre de sujet.
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-Tout ceci dans le seul but d'aspirer à être meilleur au service de l'Imperium. Une Humanité bien ordonnée commence déjà au niveau de l'individu bien structurée dans son esprit, en accord avec lui-même. Il y a une maladie dans le coeur des Hommes faibles; le doute, et dans leur tête tourmentée; la schizophrénie.
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Il s’approcha davantage jusqu’à se coller au dos de l’elfe, toujours armée de ses deux pistobilles chargés à bloc. Les mains masculines bien lourdes furent plaquées sur ses hanches pour la caler fermement au sol et contre lui. Au creux de son oreille filiforme, il chuchota à présent.
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-Lève tes deux bras bien tendus. Concentre-toi sur le verre posé là-bas, sur le comptoir. Rapproche à présent légèrement tes mains, l'une de l'autre. Focus sur le verre au centre.
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Cette voix, toujours, qui coule à son oreille, attise ses sens elfiques, sème le chaos. La poigne fiable qui lui la ramène à lui. Dirigée. Troublante. Fais feu, petite elfe. Lutte contre le tourbillon, contrôle-le. Repousse-le. Seule doit compter la cible. Froide.
Il relâcha instantanément ses mains sur ses hanches évasées, pour les plaquer, très fermement, sous sa poitrine et son bas-ventre. De son bassin ensuite, comme un étau, il poussa contre sa croupe. La voilà totalement verrouillée contre lui.
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