EDC de Callian~48825

Je ne vous dirai pas que le silence est un fléau quand il est habité par tant de fantômes. Que recouvrer une once de repos, quand le coeur s'oppresse d'une langueur qui semble éternelle, est une quête illusoire et que les yeux fermés ne découvrent alors que les cauchemars. D'une pièce entièrement revêtue de pourpre, emplie de cette ambiance chaleureuse de ceux qui peuvent encore fêter la vie, je me suis effacée, pour te retrouver brisé mais étrangement serein. Mon regard a à peine pu se détacher du tien...
Je ne vous dirai pas... non, non... je ne vous dirai pas.

Je ne vous dirai pas que l'abandon m'est devenu insupportable et que les hurlements que je réprime tentent à présent de m'étouffer. Que l'abîme qui s'ouvre sous mes pas, il me taraude tant de m'y jeter pour y disparaître à jamais. Dans tes mots, j'ai senti la souffrance, dans tes mots, j'ai vécu l'éternelle promesse de ne t'oublier jamais car le sourire qui se dessinait alors sur tes lèvres, j'étais certaine que c'était là le dernier que tu m'offrais. Au milieu des balbutiements, j'ai osé pour la première fois exprimer inutile ressenti qui, je le savais, n'avait aucun pouvoir de te rattacher à quoique ce soit. Ad mortem... il me fallait écouter la litanie, il me fallait comprendre les conseils. Et recevoir de toi héritage supplémentaire qui me poussait dans une ultime voie.
Je ne vous dirai pas... non, non... je ne vous dirai pas.

Je ne vous dirai pas que j'en viens à haïr ce(ux) que j'ai tant aimé. Que poursuivre la route m'apparaît de plus en plus incertain et que le doute m'accable alors que je m'efforce chaque jour de prétendre le contraire. Et pourtant je t'ai dit que je comprenais, j'ai dit des mots qui déposaient l'amertume mortifère sur une langue que j'aurais alors préféré mordre. Hocher la tête, étreindre l'espace d'un instant un corps bientôt mort pour avoir l'illusion que le souvenir suffira et que la mémoire sera alors la plus douce des compagnes. L'insigne est allée rejoindre l'autre... Mais mes épaules ploient à présent sous le poids de deux volontés si prégnantes que je suis bien incapable aujourd'hui de distinguer ma propre altérité. Coquille vide... pour trop de maux.
Je ne vous dirai pas... non, non... je ne vous dirai pas.

Je ne vous dirai pas qu'il faut croire encore en cette liberté qui nous nargue. Que rébellion ne peut mourir car c'est la seule alternative à une mort plus lente et plus pénible, de l'esprit en dormance. De l'esprit sous dominance de gris. Informe et infâme. Qu'espérer et croire, que ronger ses chaines, dessiner les avenirs, écrire les maux, hurler les désirs, saisir l'instant, brûler le dictat, déchirer le voile, briser partialité, trancher chairs putrides d'un empire en déliquescence est l'unique but qu'humanité doit se donner. Je ne vous dirai pas que de goûter le sang est encore mieux que de ne rien ressentir.
Je ne vous dirai pas, non, non... je ne vous dirai pas.

Aujourd'hui je ne vous dirai rien... Et sans doute demain aussi. Car j'ai trop parlé et que j'en suis au même point. Mort. Que souvenirs et héritages mêlés ne sont d'aucun secours quand le froid vient des tréfonds de l'être.Ad vitam...

Je ne vous dirai rien... car vous savez déjà.