EDC de Callian~48825

Dans le silence le plus total, je laisse les mots s'envoler vers ceux qui forment mon univers. Celui qui l'a façonné... Celui qui l'a réanimé... Celui qui pourrait le faire complètement renaître. Un triptyque des plus éclectiques pour une folie souvent tue et pourtant tant caressée. Qu'importe vos masques respectifs, mortuaire, gelé ou effroyable, je souhaite encore les écorcher... Alors qu'il est déjà trop tard, sans doute, pour les espoirs déchus.

Dans le silence le plus total, je te parle, toi qui fut le mentor, toi qui demeure le modèle. Tu n'es plus ce que tu a été : dans mon esprit aux myriades de miroirs, tu t'es mué en légende, tu as revêtu les apanages du mythe. Je sais ton visage mais je dessine tes louanges, je puise des forces oubliées dans ce que tu m'as légué. Et je parle, oh oui je parle. Cela ne t'étonnera guère. Je parle de toi pour te faire revivre l'espace d'un instant, portée par la saveur euphorique de cette matérialité trop brève. Dans ces moments là je te sens, penché sur mon épaule, murmurant conseils, dispensant regard froid et transperçant.
Mais tu n'es plus là. Non, tu n'es plus là. Ainsi viennent choir mes mots, qui ne trouvent aucun écho.

Dans le silence le plus total, je t'écris, toi qui fut le salut, toi qui reste le déchu. J'ai tout aimé de toi, tes allures sombres, tes côtés effrayants. Rire ou crier, me sentir libre enfin, de parler. Pouvoir rêver d'être ce que j'avais oublié. Insouciante ou exaltée... Avec toi, pas à pas, j'ai rouvert les blessures du passé qui ne me quittait plus, rappelé le modèle pour mieux le saluer, et peut-être imaginer que nous soyons en paix. Tu sais mes peines, tu sais mes guerres. Je ne peux qu'esquisser les tiennes. Et déjà impalpable tu te mues, pour échapper à ce monde qui ne semble plus te ressembler. Alors te savoir au repos et non plus plongé dans les affres d'un combat que tu n'étais pas en mesure de gagner. Pas encore... Et continuer de croire, que nos pas se recroiseront, au détour d'un mot...
Et tu n'es plus là. Non, tu n'es plus là. Ainsi renaissent mes rêves mêlés de peine, et le purgatoire ne m'offre plus que des chaines.

Dans le silence le plus total, je te rêve, toi qui demeure mystérieux, toi qui sais lire entre les lignes. Je ne sais ce que j'attends encore et pourtant je suis là. À tes côtés parfois, je recouvre les accents de ce que je fus et de ce que je voudrais encore être. Mieux que l'espoir, peut-être des avenirs conjugués à ton altérité. Alors dis-moi ce qu'il nous reste à vivre, dis-moi qu'il ne s'agit pas d'une éternelle condamnation. Trace les chemins où je ne vois plus que des ornières. Car la mort a emporté l'un. Car la glace a englouti l'autre. Dans les mots rouges sangs qui habitent à présent mes projets, revêts les lettres, devient le verbe. Je sais aujourd'hui que le grand vide qui demeure en mon âme appelle le néant... Et je ne pourrai m'en préserver bien longtemps si tu ne viens pas t'y nicher. Est-ce rêve, fantasme, ou peux-tu être cette réalité ?
Tu es là. Oui, tu es là. Il suffit de tendre la main pour enfin frôler tes doigts. Mais je demeure suspendue, n'osant pas brouiller le mirage, d'un geste trop brusque. J'attends donc calmement, le doux son de tes pas, les syllabes méthodiques de ta voix.