EDC de Callian~48825

Elle avance, sans trop comprendre, sans trop savoir. Mais penser n'est plus un luxe permis. Penser ce serait déjà nier le choix qui s'impose pourtant et transforme son sang comme une lave néfaste. Elle n'en peut plus, de faire les incessants aller-retours entre une joie excessive et un abattement qui semble sans fin. Elle n'en peut plus d'ouvrir les yeux sur un monde qui ne fait que la décevoir alors qu'elle ne s'aperçoit pas que c'est simplement elle qu'elle déçoit. Elle n'a pas su... Elle n'a pas pu. Exister, s'insérer, vivre simplement.

Respire, bon sang, respire. Ce n'est qu'une cuve, un sarcophage où tu te feras oublier comme tant d'autres. Nerveusement, je jette un regard par dessus mon épaule, comme si je filai comme une voleuse. Je ne file pourtant pas bien loin et tandis que j'applique ma main sur le panneau mural, une voix désincarnée qui a le don de me foutre la chair de poule annonce :

- Cuve cryogénique ID #48825 avancée en salle n°3.

Je me rappelle vaguement que ID #48825, c'est moi. Je repense à cette cruelle découverte dans les entrailles du CdC, qui m'a été rapportée. Tant de mépris pour l'être, tant de détachement pour les pensées et sentiments qui l'animent. Nous ne sommes qu'une chair à expérimentation. Alors qu'importe que cette chair soit gelée ou bien vive et scarifiée ? Je déglutit en poussant la porte de la salle n°3. Putain qu'il fait froid là-dedans ! Tu t'attendais à quoi ? Abrutie ! J'avance alors que la chaleur dégagée par mon corps se condense autour de moi. La cuve cryogénique est là, elle a l'air... plutôt douillette d'un point de vue d'un concepteur aseptisé jusque dans ses goûts tordus pour l'aménagement intérieur. Qui a pu concevoir un lieu aussi inhumain ? Et pourquoi alors je m'y précipite ?

- Bien, tu ne me demandes pas le nom de jeune fille de mon premier animal de compagnie pétasse ?

- Requête inconnue. Veuillez vous allonger s'il vous plaît.

Eh bien ! Plus vite au but qu'un mâle aux mains baladeuses hein ?

Comment faire face à ce que j'ai vu ce soir ? Un corps mis en charpie pour les besoins d'une science aussi froide que la cuve que je regarde alors ? Comment concilier ce que j'ai voulu être avec ce que je suis devenue ? J'enjambe sans me poser de question le bord du caisson et m'y allonge. J'évite de mettre les bras en croix, faut quand même pas pousser...

- Séquence de cryogénisation enclenchée. 5, 4, 3...

Ils défilent tous sous mon crâne à une vitesse inouïe, tandis que la voix continue son compte à rebours mortifère. Puis mes yeux se fixent sur son visage à Lui, sur ses yeux à Elle. Pardonnez-moi. Une larme gèle alors sur ma joue.

- 0... Cuve cryogénique scellée.