EDC de Callian~48825

La solitude est mon manteau... Il ne fera pas froid dehors, c'est ce qu'a dit Ju', la dernière fois, au bar. Et pourtant, je m'attends à être prise aux tripes par la vision du paysage désolé, pourtant peuplé de créatures plus immondes les unes que les autres. J'essaye d'anticiper sur mon effroi ou sur ma fascination mais rien ne semble pouvoir étendre son empire sur moi aujourd'hui. Nulle peur ne m'étreint. Un petit murmure narquois résonne à mes tympans : c'est peut-être ton dernier voyage dit-elle, en se moquant de moi. Pourquoi y aller alors que je ne suis pas la plus résistante, ni la plus ingénieuse ? Je veillerai sur chacun d'entre eux, je siffle entre mes dents, pour répondre à ma railleuse conscience... Dans la mesure du possible, car c'est là ma mission. Veiller, noter. Tout noter absolument tout pour que les connaissances puissent revenir en SR... Qu'elles soient portées par nos cadavres importe peu au final, si elles sont transmises.

Je pense à toi, si forte, si magnifique, si éblouissante dans ta discrétion. Tu en es revenue, écorchée vive, mais revenue et depuis lors, tu veilles sur moi avec une constance admirable. Je ne sais à quel moment tu es devenue mon point d'ancrage, comme lui le fut pour moi. Le lien s'est tissé sans que nous n'en prenions la juste mesure. Une note après l'autre sur la corde de nos deux existences, la première murmurée par lui, les autres reprises en choeur par nos âmes esseulées.
Mais voilà que ton image s'impose à mon esprit alors que je me suis réfugiée dans la solitude de l'appartement. Tu ne peux savoir à quel point je chéris chaque instant que nous passons ensemble. Qu'ils soient courts importe peu. Ils sont... Voilà tout ce qui compte. Je ferme les yeux pour me les remémorer et je n'hésite plus à les provoquer. Plus jamais on ne m'arrachera la personne qui m'est tout sans que je m'en sois rassasiée. Plus. Jamais.
À chaque fois que j'ai l'élan pour briser la glace, qu'il me semble que je prends le chemin pour devenir encore plus proche, tu me surprends en faisant de même. M'épargnant la distance, nous nous rejoignons au milieu, gestes esquissés et promesses inviolables.

Je ne connais pas encore ton histoire mais j'ai la certitude qu'il me reste encore du temps pour t'apprendre et te connaître par coeur. Puiser en toi la force qui parfois me fait défaut, prendre modèle alors qu'il reste encore tant à construire, sur les bases qu'il a voulues solides. Chaque doute qui m'a assailli, depuis le drame qui nous a définitivement liées, tu as su n'en faire plus qu'un mirage, avec ta ferveur rebelle, tes rêves murmurés, tes songes obsédants. Tu portes son idéal, tout comme je le fais et en miroir, tu m'offres un reflet si magnifiquement féroce que j'ai l'impression que rien ne nous sera impossible. S'il me faut marcher dans ses pas à lui, et dans les tiens à toi, c'est pour en revenir à votre image... Je me baignerai dans les essences conjuguées de vos errances et de votre calvaire, de vos cris et de votre soif d'apprendre, de comprendre. Sur ces chemins innombrables, sur ces territoires innommables, je renaitrais et je sais que tu sauras me reconnaître, lorsque je te reviendrai.

Le temps étend sa langueur sur mon corps, mes doigts me brûlent de trouver les derniers mots à t'envoyer, à te dire. Les derniers mots avant que l'aventure ne débute... ou les premiers mots de ce qu'il nous reste à vivre côte à côte.

J'ai cru, dans ma folie, que je n'avais aucune raison de revenir...

Alors que tu es là à m'attendre... C'est une promesse... Toujours... Je te reviendrai.