EDC de Callian~48825

Je slalome entre les gouttes jusqu'au t-cast le plus proche... Toujours à fond sur mon overboard, je crois que je suis devenue une pro de la course. Courir, toujours, vers l'avant et les projets, s'occuper l'esprit qui lui-même semble soudain dans une course perpétuelle, projetant des vapeurs euphoriques derrière les yeux et le coeur. Mieux que n'importe quelle drogue même si je ne peux faire de comparaison objective. J'assure la lanière de mon sac et je touche l'écran du téléporteur, tandis que j'entre ma destination... J'ai le coeur qui bat, qu'est-ce qu'il bat vite... La course n'est pas la seule responsable, je le sais mais au fond, je m'en fous. M'apitoyer sur mon sort n'a fait que me donner une pâleur digne des carnations de quelques morts en sursis, tous alignés, à faire la queue vers l'oubli, dans leurs caveaux gelés. Oui, j'ai visité le CdC. Bah c'est moche... D'un côté, c'est pas forcément censé être fun d'aller se congeler. Vous imaginez ? "Un caveau gratuit pour un occupé, youhou, emmenez votre compagnon à côté de vous afin de ne plus jamais souffrir de la solitude !" Ou alors : "décorez votre tombeau avec des cristaux colorés et parfumés, afin que votre éternité soit douce et radieuse !" Allons tous au CdC, vite vite, ya des promos en ce moment... Bref, j'ai visité le CdC, ça m'a paru morne et je n'ai pas pu détourner ma soeur de vouloir y entrer. Mais j'avance un peu vite dans l'histoire... C'est parce que je cours vous comprenez ?

D'ailleurs, je me demande si dans leurs putains d'avenues impériales, on a le droit de courir comme une dératée ou de foncer sur son over. Nan... il doit y avoir des holos bien criards afin de moraliser l'inconscient pris dans sa course effrénée. Vers quoi court-il sinon le drame hein ? Le drame de renverser quelqu'un d'autre ? Le drame de percuter un pauvre citoyen, partisan à l'empire ? Le drame d'amputer peut-être un élément majeur de la gloriole du système ? Ouais, je suis sûre qu'il y a des holos avec marqué "interdit de courir !" ou peut-être un truc politiquement correct comme "nous rappelons aux citoyens de l'empire que la marche est conseillée afin de ne pas gêner le flux naturel de la civilisation grandiloquente, merci".

J'en étais où ? Ah oui, aux cristaux parfumés du CdC. Je tiens peut-être un concept vendeur. Bref, je cours parce que j'ai un rendez-vous. Oui. Mais un rendez-vous un peu spécial : je dois prendre soin de l'entraînement de quelqu'un. Ça change les perspectives d'avoir à s'occuper d'un tiers, même temporairement. Pour le coup, lorsque je déboule dans le Dojo pour y poser mes affaires et y attendre Maxine, je remarque à peine que je ne me sens pas triste à mourir de franchir le seuil de la pièce. La poussière s'est accumulée sur les meubles et je manque d'éternuer alors que j'essaye de conserver une posture, genre sûre de moi. J'ai eu un très bon modèle, voire le meilleur, donc je crois que j'y arrive plutôt bien. Je stoppe là ma course, je suis à l'heure, mais mon coeur rue encore dans ma cage thoracique. Et je comprends soudain ce que signifient ces battements erratiques : je suis heureuse. Oui. De courir, d'être occupée, d'avoir des objectifs, de parler à des gens. Et de retrouver ma maison.

Je me permets un regard sur l'ensemble de la pièce, le même qu'aura Flavie quand elle me dira qu'elle est désolée de m'abandonner pour les cristaux de stase non parfumés et non colorés du CdC. Quelle idée... Oui, j'ai ce regard posé, je salue silencieusement la salle qui a vu ma seconde naissance. Je suis heureuse et émue des échos qui m'en parviennent. Je ne suis plus triste... ou si peu que la tristesse ne m'étrangle plus. Quand Maxine me posera des questions sur l'endroit, j'arriverai à lui répondre d'un ton égal, d'un ton qu'on employait jadis avec moi. Ce ton calme, que je n'oublierai jamais.

J'inspire. J'expire. Au centre de la salle symétrique et dépouillée. Et un sourire naît sur mes lèvres, un véritable sourire. Oui, je peux me poser, savourer l'odeur de la poussière et des meubles synthétiques, stopper ma course pour un temps. Mais mon coeur continue lui, de courir, de suivre ses battements. Il ne veut pas de la stase qui le ralentira à une marche placide et titubante. Même si les cristaux sont parfumés, il s'en fout. Il continue sa course. Je souris lorsque Maxine entre. Je dois ressembler à ce que j'ai été en entrant pour la première fois dans cette pièce, ou presque...

Oui, continuer à courir, c'est plutôt pas mal.