EDC de Callian~48825

La fatigue est intense. Morale, physique, elle m'suit comme mon ombre depuis ces derniers jours. J'sais pas pourquoi, ou plutôt si mais je ne sais pas par quel bout prendre le récit. Ah si, attendez, peut-être par la fin, histoire de vous emmerder. Je n'y mets pas du mien ? Vous n'avez encore rien vu...

On arrête pas de s'disputer. C'était pourtant vendu avec l'emballage, le concept de franche rigolade hein ? On m'aurait donc menti ? J'sais pas, avant on déconnait beaucoup, sur tout, sur rien et puis tout est parti en jus de vieux ragoût d'écureuil. Les paroles d'mon mentor tournent dans ma tête, étayant la triste réalité alors que j'ai failli lui rire au nez quand il me l'a sortie cette constatation, de sa voix posée. Ouais, mon mentor a une voix posée, nette, précise. Tout ce qu'il dit est comme chirurgical. Et pas la chirurgie semi dépeçage des bas-fonds hein ? Nan nan. Chirurgical genre haute volée, laser et instruments automatiques commandés à distance. Je ne sais pas comment il fait ça. Ni d'ailleurs pourquoi j'vous en parle. Ah si, la fameuse phrase, voilà, elle tourne, tourne encore, lancinante. Et plus elle tourne, plus je me dis qu'il a raison, il est certainement plus clairvoyant qu'moi. Jusqu'alors, ses conseils n'ont été que bénéfiques.

Ah oui, c'que je voulais dire, c'est que lui rire au nez, façon de parler. Difficile à faire quand vous avez en face de vous 2m20 de froid glacial. J'sors mes blagues coutumières, j'espère que vous saluez l'effort quand même hein ? Bon certes, elles retombent toutes, mais d'un côté, elles me tiennent chaud comme ça.

Les disputes avec mon conjoint sont comme une ritournelle agaçante. J'le connais suffisamment maintenant pour savoir quand elles auront lieu et je n'manque pas pourtant de les déclencher. Mais me faire enfermer un peu plus m'est devenu invivable, insupportable. J'ai beau l'aimer, ma patience s'érode, morceau par morceau, tout comme ma peau s'constelle de bleus, toujours plus nombreux.
Des bleus, partout des bleus. Plus je me dispute, plus j'me lance à corps et coeur perdus dans l'entraînement. Il m'a dit qu'il était fier de moi. Je sais bien que c'est qu'une formule mais elle me motive, elle murmure à mon orgueil mal placé. Être ainsi encouragée est nouveau. Le ton glacial, la prose gelée, qu'importent. Le fond seul compte. Oui, le fond seul compte. On me promettait un horrible personnage, je n'ai qu'un mentor précis, aimable dans ce qu'il peut déployer d'amabilité. On pourrait presque être déçu hein ? Non, j' plaisante. N'empêche qu'en attendant, je trie beaucoup plus c'qu'on me dit.

S'il tente quoique ce soit... Combien de fois cette recommandation ? Genre comme : me donner une combinaison Tech orange vif ? P'tain, je devrais peut-être prévenir quelqu'un d'urgence non ? J'ai fait une blague sur la combinaison, mais je vous l'épargne. Bref, mon entraînement débute bien, tandis que ma vie de couple devient volcanique. J'ai paraît-il une tête de bois comme les trolls. Je crois qu'cette définition me plaît bien. Et puis une tête de bois, ça sert en entraînement.

Tandis que je rejoins le lit, exaspérée et fatiguée d'avoir combattu, ce soir, autant de corps que d'esprit, la sentence revient me hanter. Je la chasse un instant, je regarde mon conjoint, qui j'crois, est plus malheureux qu'exaspéré. Ouais, je sais bien, je ne suis pas gentille, je devrais faire des efforts, mais pourquoi ? Pourquoi alors que l'énergie à déployer dans ces efforts serait tout bonnement gâchée hein ? Pourtant, j'l'aime n'est-ce pas ? Mais aimer ne devrait-il pas être juste plus simple ? Juste moins me casser les c... si j'en avais quoi. Je ferme les yeux et je l'entends, aussi clair, aussi chirurgical, aussi précis que lorsqu'il a parlé devant moi :

Et alors que j'm'endors dans un vide sans fond, j'me demande soudain si je ne suis pas déjà en train de faire le nécessaire. Quelque chose semble vouloir me retenir, mais je sombre dans l'sommeil, trop contente pour une fois de rejoindre l'abîme.