EDC de Callian~48825

J'crois que faut que j'arrête de regarder ce putain d'AITL. La section morbide, il faut toujours que je la consulte, inlassablement. Comme si ça allait nourrir mes penchants pessimistes, comme si j'en avais besoin. D'la connerie tout ça, ce fichu intercom me donne la nausée ce soir.

- Elle est partie ?

Il me répond. Il m'a toujours répondu, à chacune de mes questions depuis que j'suis là. Je sais pas pourquoi j'en suis arrivée à m'assoir à côté d'lui, systématiquement, quand j'entrais dans une pièce et qu'il y était. Au début, c'tait surtout parce que j'le connaissais, alors comme ça, j'sortais un peu d'ma coquille, j'allais parler. Puis après, c'est parce que ça m'faisait plaisir de le voir, souriant. Il a le don de m'faire marrer, comme ce putain d'AITL a le don de me donner envie de chialer. Pourtant, dans notre rencontre, l'AITL n'y est pas pour rien.

Je secoue la tête, incrédule. Je frissonne. C'est con hein ? Comme si c'est moi qu'on allait cryogéniser, là, sur l'instant. Alors j'me raccroche à lui, à ses yeux qui m'regardent. Ça fait des cycles, qu'on est comme deux cons, à tourner autour du pot. Pathétique a priori mais pas quand on le vit, pas quand on est celui ou celle qui esquive, qui blague ou qui bredouille maladroitement. J'suis pas douée pour la communication, jamais su bien faire avec les gens. J'ai toujours l'impression de dire un truc à côté. Pas avec lui.

- Frimeur !

J'le dis, mais c'est pas tout à fait vrai. Il roule pas des mécaniques, il se croit pas au-dessus de la moyenne. La première fois qu'on a parlé, c'était lorsqu'il m'a donné un conseil. Il est comme ça, il aide, j'trouve ça craquant. J'suis plus objective, je sais. Difficile quand on s'attache à quelqu'un, on ne le voit plus pareil. Je ne le vois plus pareil. Pourtant, j'évite la conversation fatidique, celle qui me liera à lui définitivement. Peut-être parce que ça m'liera définitivement à DreadCast et à ce secteur où le centre d'arrivée m'a froidement crachée, au milieu de la rue. Vais-je faire partie de ce merdier ? Est-ce que je l'veux vraiment ? Faire partie de quelque chose, m'y investir ? Arrêter de faire cavalier seul et risquer de m'perdre au passage ? Ou m'trouver qui sait ? Il est là, sa présence me trouble plus que j'veux l'avouer. C'est une faiblesse et les faiblesses, j'aime pas ça. Mais j'en suis venue à la conclusion que d'me couper de tout n'est pas une solution, c'est juste une mort à longue échéance.
C'est pour ça que j'ai postulé pour aller servir de l'alcool dans le bar que j'fréquente. Pas pour mon amour de l'alcool, pas seulement hein ? Juste pour appartenir à une communauté qui n'a pas l'air de vouloir me rejeter. Alors pourquoi renâcler hein ? Pourquoi ?

Je ne doute pas de toi, c'est d'moi que je doute. Moi. Mais j'ai aucune hésitation. J'le choisis lui, j'choisis la vie et pas cette foutue mort lente du désespoir. J'ai le sourire et voilà, ça s'est conclu ainsi, entre deux plaisanteries, parce qu'on est comme ça, on distille le sérieux au milieu du n'importe quoi. Peut-être parce qu'on flippe moins, peut-être parce qu'on a des bleus à l'âme et qu'on veut pas risquer d'se disloquer l'un l'autre en brusquant les choses. J'sais pas et à vrai dire j'm'en fous. J'lui ai pris la main, j'l'ai embrassé et j'suis retournée derrière mon bar pour servir des consos.

Dire que j'suis amoureuse, comme toutes ces filles dont j'me moque en ricanant. La vie m'a eue, on gagne rarement contre elle.