EDC de Callian~48825

J'rente du boulot, comme n'importe quel soir. Le plafonnier verdâtre vacille lorsque la porte automatique de ma piaule dévoile mes quartiers grand luxe à 4 crédits la nuit. Je zieute du côté de ma paillasse, dont les draps sont défaits depuis que j'me suis levée. J'oscille sur place : vais-je tenter une fois encore une veillée tardive ou vais-je aller me rouler en boule jusqu'à sombrer dans l'inconscience. Ce qu'il y a avec l'inconscience, c'est que chaque nuit, elle semble vous ôter quelque chose. Ouai, je sais, elle vous ôte de l'espérance de vie, forcément, mais la mienne est longue, ce n'est pas cela qui m'angoisse. C'est juste ce passage où on semble perdre les pédales, tout se brouille, vos pensées vagabondent comme si elles avaient une volonté propre, on est plus qu'un sac balloté par les vagues du sommeil, on tombe. J'aime pas tomber, cette sensation m'est désagréable. Alors j'oscille et finalement, j'me dirige vers le fauteuil défoncé, dont le tissu synthétique a perdu sa couleur depuis bien avant que je pointe mon nez hors de la cuve. J'allume l'AITL, plus pour m'occuper les doigts qu'aut' chose, parce que c'est un moyen de s'focaliser sur un truc plutôt que sur le grésillement du plafonnier.

- Merde, l'est mort ?

Ouai, ya une sorte de voyeurisme morbide dans les rubriques nécrologiques. On pourrait aller zieuter les p'tites annonces, s'informer ou se désinformer, mais voir en bas à droite de l'écran :

Ça titille la curiosité. J'les connaissais ? Et si oui, est-ce que ça change quelque chose ? J'en sais trop rien mais de mon doigt, je frôle l'écran en bas à droite. Pourquoi j'ai dit "Merde, l'est mort ?" Parce que j'connais le type qui s'est fait assassiner. Enfin j'l'ai croisé. Je sais pas si son clone marche déjà dans nos rues, de toute façon, il finira bien par sortir de la matrice nutritive, à s'extirper de la gangue de la cuve. En vrai, ça m'panique pas plus que ça de le connaître. J'me demande juste si lorsqu'on l'a crevé, il a aussi eu la sensation de tomber, de perdre quelque chose, plus que son sang j'veux dire. De perdre irrémédiablement quelque chose. L'imaginer se faire réintégrer dans un corps tout neuf, c'est comme s'il était une sorte de mort-vivant nan ? Vous savez, ces êtres coincés dans l'entre deux. P't'être qu'on l'est tous au final. Dreadcast est p't'être un immense cimetière.

J'crois que j'commence à le trouver vaguement sympa ce cimetière, à bien y songer. Ouai, moi aussi j'crois que je suis fatiguée. Je vais aller sombrer, voir si demain, celle qui se lève sera une autre moi ou juste la même elfe qui ira bosser comme tous les matins.