EDC de Callaghan~1684

Un martellement sourd rythme aujourd'hui la vie d'une certaine villa de la Haute-Ville. Ponctué d'un ronronnement strident et de quelques jurons, une opération se préparait. Le vieux général, armé jusqu'aux dents, observe et annote son plan : "C'est maintenant ou jamais". L'assaut est imminent, la détermination se lit dans son regard. Il n'avait que trop repoussé l'échéance, mais c'est ce soir que tout se décide. Sans plus attendre, il se lance à l'assaut.

Le meuble en kit de la Fabrique Impériale ne saurait se défendre face à tel un élan combatif : un coup, encore un coup, revoilà un coup. Le corps-à-corps engagé est rude, la sueur perle sur le front de Charlie : c'est un combat à mort qui s'engage. Coup critique ! Le meuble semble dompté. Il le regarde alors avec un sourire satisfait, celui de l'officier à qui la victoire tend les bras. D'un geste mécanique, il l'achève d'un coup de tournevis. La bête git hors de son enrobage désormais.

A son habitude, il contemple l'ampleur de sa victoire sur le champ de bataille, le regard porté à l'horizon. La chambre est désormais jonchée de cartons et de sciure. La victoire fut rude, les ecchymoses sur ses mains caleuses en attestent. Peu de sang versé, mais quelque chose le tracasse. Un sentiment d'inachevé le traverse. Son regard alors sur les deux armoires côte-à-côte, une idée point dans son esprit.

Brutalement, une lutte s'engage avec l'armoire. Il l'empoigne violemment, corps contre corps. Son souffle se réfléchit contre la paroi tiède du synthébois. Il ressent le battement de son coeur, l'instinct de survie de la bête qui se défend corps et âme pour rester à sa place, là où les lois de la gravité l'ont confiné. Mais Charlie est un homme déterminé, il y arrivera. Dans un mouvement de contorsion, il canalise toute sa puissance et prend le meuble par surprise : le voilà qui gît désormais sur son semblable. Le vieux sourit de sa victoire, et tourne le dos face au travail accompli. Mais la nature est sournoise : le meuble profite de sa baisse de vigilance pour un baroud d'honneur, et se jette sur Callaghan. Il pensera à fixer le meuble après cet énième pugilat domestique.

Elle se réveille doucement, son visage s'illumine. Elle le voit, le sourire fier, celui de l'homme qui a accompli son devoir, les mains pansées. Elle embrasse le héros du jour, sans savoir quel forfait il a commis dans la chambre d'à côté. Il l'invite à voir, enjoué comme l'enfant qui aurait tué un écureuil, il insiste :

« Alors, tu viens que je te montre ?

• Avec joie
• Suis-moi ! »

Il s'impatiente, le regard fou :

« A moins que tu ne veuilles que je te portes ?

• Je viens, je viens ! »

Les voilà dans la chambre :

« La chambre de Néphéria !

• Très... classe !
• J'ai essayé de fixer deux armoires l'une sur l'autre... Ca devrait tenir...
• Je... pense. »

L'homme observait fièrement son oeuvre, caressant instinctivement ses blessures de guerre. La femme, elle, se dit qu'il aurait pû engager un gobelin. Place au repos du guerrier.