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EDC de Barshabba

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Donner sa langue au Rat.

Les mains n’avaient pas bougé d’un pouce. Elles évaluaient, au toucher, le poids d’une dague énergétique aux reflets azurés. Seule source éclatante, tapis et solitaire, entre les mâchoires sépulcrales d’un temple dans lequel trois caveaux se tenaient compagnie. L’ambiance était mortelle. Dans la salle de prière, où les murs criblés de sang répétaient une litanie secrète et bien apprise, au fil des années, au fil des poignards, une âme masquée par la gravité se jugeait à la lueur d’une lame aiguisée. Prête à trancher dans le juste, dans le vif, rasoir sublimé par une sentence autoproclamée.
Juge et coupable.
L'homme s’était reclus à la lumière d’une solitude qui n’avait rien d’étonnant chez lui. Une habitude qui prenait des allures de rituel, de besoin, d’une nécessité de silence retentissante et, afin de ne pas devenir ivre de rage par ses appels lancinants, il la suivait toujours, marmottant, sans doute un peu rebelle, qu’il était préférable d’être sourd que d’entendre ça. N’ayant pas ce choix-là, il marcha sur ses pas encore une fois. Et bien que ce coup-ci partageait des similitudes avec les précédents, quelque chose changea dans sa compréhension de cet impératif, de cette recherche excessive de calme.
Car longtemps, il crut dans ses retraites s’isoler des bourdonnements assourdissants des communicateurs ; du dialogue qu’on y trouvait, inlassablement mis en échec par des jeux ordinaires, entre provocations faciles et ententes difficiles, confirmant par quelques lignes brèves, mais innombrables, des années d'inimitiés sincères. Il se trompait, égaré par ce biais puissant qui affirme aux cœurs vaniteux tout prêt à croire que l'ennui vient toujours d'ailleurs, extérieur, étranger.
La dague était devenue légère.
Et sans hésitation, elle vint avoisiner une langue tirée pour l'occasion ; trancha ce qui dépassait, brûla ce qui restait. Les mains étrangement synchrones, il lâcha instinctivement l'outil et le morceau meurtri avant de céder, à la poussière du temple...
Une
chute
douloureuse.
Ce n'est qu'après une inconscience, qui lui paraissait de quelques instants seulement, qu'il se hissa au coin d'un tombeau afin d'y déposer, en obole et sans aigreur, ses mots menteurs et ses vaines paroles.

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