Un enregistrement commence avec une caméra vaguement nette. Killeen pose son postérieur sur l'un des poufs, d'une légèreté sans faille, s'échauffant les doigts en les remuant puis les passant dans sa chevelure de brique, rabattant quelques mèches, se faisant belle pour son compagnon de jeu.
" Ma favorite.. Celle de tous les jours, celle des âmes actives sous l'ode de la grâce... Une, deux. "
Elle décale ses doigts, terminant sa phrase en mimant de jouer, ne pressant pas assez les touches, ce ne sont que des grattouilles du bout de ses ongles, réorchestrant la partition dans sa tête en fermant ses paupières. Elle fredonne ce qu'elle imagine jouer, un air compliqué qui n'est pas pour toutes les mains. Souriante, se laissant porter par son imagination jusqu'aux portes des célestes lyres, prenant de longues inspirations ponctuées par des soupirs impatients. Elle cesse, tout à coup, souriant plus amplement.
Killeen laisse ses doigts pousser les premières touches, d'une dignité féminine, démarchant ses avancées avec sa fantaisie et sa beauté, son autre main occupée alors que les notes appuyées résonnent encore. La demoiselle naine détache, de sa main occupée derrière sa tête, la lacet de sa chevelure, secouant tout à coup son minois une fois ceci fait. Elle voit ses mèches se perdent en vagues sur les épaules, coulant comme une mer à la houle tempétueuse, s'échouant sur sa peau et sa gorge de lait. Elle démarre l'instauration du premier thème, de l'allégeance échéante à sa passion primaire, la musique. Ses doigts meuvent, introduisant l'énoncé par les signifiantes octaves.
Killeen navigue entre doubles croches et sextolets, libérant la magnificence du spectre musicale sans s'arrêter. Sa frimousse se trémousse, remuant sous la trame d'une descente chromatique. Elle anime, pénètre dans la musique pour ne devenir que marionnette du destin, mouvant plus fastueusement, comme elle appuie sur les touches de son rêve, dans une vie éveillée. Elle se pince la lèvre inférieur de la supérieur pour s'apaiser, délicate attention au démon des aimés. Son doigté divin poursuit en deux accroches, strophes d'existence, qu'elle donne à son bel ami : modulant du ré bémol majeur, do dièse majeur. Sa transe harmonique se veut alors aussi tendre que le touché du velours, en plein rêve sans, comme la pierre pesante, ne jamais quitter le lit de sa rivière. Tempo changeant, doubles croches de sa main droite, culte à la détresse des âmes romantiques et lyriques, toujours en polyrythmie.
Killeen fait resurgir le tempo du bout de ses doigts, s'approchant de la fin, s'apprêtant achever le morceau en répétition de notes, à pas réfléchir, dans la brume des sons sanctifiant ses tympans et des néons qui brûlent ses paupières. Amoureuse du chant, désolation de la terminaison, emportée par la douceur et l'effroi, son souffle pâmé d'émois soupirés sous les lyres qui vont en decrescendo jusqu'au pianissimo. Elle laisse perdurer les dernières notes sous des doigts. Son visage se baisse, fermé au monde, crinière rouquine le bloquant de vision, lacet autour d'un poignet. Elle développe un sourire en reprenant vie, mi-ouvrant ses paupières, dévoilant ses noisettes couronnées d'auréoles coloration jade, et en fixant les touches, une main rabat sa tignasse en arrière.
Elle a ses lèvres muettes prisent d'un frisson, comme son échine, récoltant ce baiser divin qu'elle exulte comme un pêché, en un soupir heureux.
L'enregistrement se coupe.
Spoiler (Afficher)
Disponible dans la matrice.