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Sisyphe
« Vous m’aviez dit que le temps n’existait pas. »
...Un canapé, bleu roi et sa table monochrome, en un fade binôme ; une lampe à l’abat-jour outremer ; un ordinateur vétuste accompagné d’une chaise bordeaux, munie de roulettes fonctionnant mal et à la mousse sale ; un comptoir lisse, de ce synthé-bois passe partout ; une seconde chaise, comme la première, tapissée d’une robe rouge sombre ; un inutile porte-manteau ; enfin, un siège vert, voulu ergonomique, dont les roulettes fonctionnent. Mes jambes sont par-dessus l’accoudoir, ma dignité, dehors, et mes yeux, sur le mur, vagabondant. Une horloge, un graffito qui a perdu de sa pertinence, des bandes rétroéclairées aux parois tachées. « Vous m’aviez dit que tout était réversible. »
...Deux heptades ont suffi pour que le décor de mon antre nouvelle se dégrade et se ternisse, ne se pare d’une robe grise. Au dehors, de l’autre côté de la porte, du digicode, gisent des cadavres, des rebuts et des ratés, recrachés par notre ville du centre hospitalier comme un os d’écureuil du gosier sordide d’un rat noir. Des messages, des dizaines, centaines de messages, l’abandon d’une répulsion de la bureaucratie pour se rendre utile, pour une quelconque idéologie ou pour des miettes de reconnaissance sociale. De nombreux silences, quelques sorties, quelques moments agréables, tout de même, et beaucoup d’inactivité, de mise en page, de solitude. « Vous m’aviez dit que rien n’avait d’importance. »
...Une telle recherche d’attention, un tel soin à ce que nul n’aie jamais la moindre bavure à me reprocher ; de la générosité, des belles valeurs, un accueil chaleureux, des cheveux huilés, de l’autodérision. Je relis les pages de ce journal qui a tant vécu, comme pour lire les reproches de mon passé, celui qui croyait véritablement aux conceptions absconses qui naissaient de son esprit fertile et jeune ; je me morfonds dans mon morne état d’esprit et m’y complais également, las de vouloir maîtriser toutes ces passions. Je m’efforce de rester lucide, de me réciter comme le vieil égocentrique névrosé que je suis les préceptes que j’écrivis plus tôt, ces foutaises optimistes à l’excès, qui me répètent que, dans tous ces cycles dont est fait cette vie, cet univers, je suis au fond d’une vallée, et que je vais la gravir à nouveau pour chuter derechef. Au fond de moi, je sais que tout est vrai, que cette lassitude va et vient comme la marée. Mais pour l’instant, je ne veux que jouir de mon ennui, et cesser cette joie forcée un instant. Laisser ma plume écrire des mots dont j’aurai honte plus tard, lorsque je serai heureux, lorsque j’aurais d’autres choses à faire que somnoler et ruminer le passé.« Pourtant, il est mort, et elle ne revient pas. »
...Des souvenirs me reviennent en mémoire et me heurtent, me coulent un peu plus ; ils me remémorent que la mort est une anomalie dans ma petite mécanique mentale, si bien huilée, comme l’horloge du bureau. Une fin dans un monde qui ne devait pas en connaître, une erreur dans une terre de vie éternelle ; elle seule est l’ennemie, non le temps salvateur qui gomme toutes les blessures, relativise les accrocs. C’est elle qui brise tout. Au fond, c’est absurde, et parfois, je n’ai plus l’envie, la force de recommencer cette longue ascension sans eux.
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...Mais sans savoir pour quelle raison, je sais que je recommencerai le processus, que je remettrai la machine en marche, comme un automate, sans même en chercher le sens, pour à nouveau être heureux, et chuter à nouveau.
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Shaia~37051 (568☆) Le 18 Janvier 2016
Xman~48816 (0☆) Le 18 Janvier 2016
Léonie (324☆) Le 19 Janvier 2016