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EDC de Alice~51211

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Tea time

(☺)
J'y suis née, c'est simple. J'y suis née, biberonnée, skiwi qui coule et fumée exhalée. J'y suis née, phrasé mâché, imprégnée comme du papier mâché de leur franc parler; j'y gisais, derrière le zinc, tandis qu'ils défilaient, clients et patrons, appuyée aux racks alcoolisés. Femmes impitoyables, brunes casse-burnes et vautourdes sourdes, sous leur joug ou leurs faveurs, sous l'âpre smog des clopes et sous le son de la musique barbare des juke-box. Les ruelles, la place furent ma poche, mes potes, à l'époque, les barils alignés mes témoins, de ma fidélité, au poste qui fut mien; ils m'ont vu vieillir, me faire des ch'veux blancs, sur les bancs et banquettes, m'ont vu fléchir sous les vents et les vendettas. Iris bleus et oreilles pointues, cliquetis et ricanements, sang derrière le comptoir furent monnaie courante, affaires d'argent et de money, de famille et d'agents, d'affamés et d'amants.

Claquemurée dans mon sanctuaire au quatuor sacré, à l'équilibre vacillant, je souffle et j'exhale, communicateur vibrant sous le feu des fils de communications méridionaux. Je m'imprègne de la ville et de ses odeurs, de ses horreurs, ses ordures, je la ressens tandis que le juke-box nourrit mes tympans et que mes yeux dévorent les murs blancs. Je songe à tous ces gens qui s'aiment, dehors, sujet récurrent, tous ces baisers, tous ces contacts inconscients, tout ce consentement. Je songe à ce petit appartement, aux coussins réduits en cendres, à cette mesure de prudence; aux cycles ou je gisais parmi les murs putrides, infectés de ma propre gangrène, au gai à qui j’égrainai ma propre décrépitude. A tous les morts, ensuite, tous les putain de morts. A peine capable de supporter ma propre souffrance, je l'avais distillée comme ils distillent le Mac, d'un simple contact.

La nécrologie salle comble, j'y songe à nouveau, moral dans les combles, toucher à nouveau; sentiments opposés, essais maladroits, je veux le tenir dans mes putains de bras, je veux ce qui m'appartient de plein droit. Gris et patient, sourire charmant, je m'abandonne dans une infâme niaiserie, celle que j'abhorrais. Toutes ces conneries de bon vieux temps... Celui des étreintes et des cocktails, mais la lueur est éteinte, mais l'attente est longue tandis que je patiente, qu'ils n'ouvrent pas mon second foyer, le moule qui me donna ma forme. Je m'entête, le Sud a perdu la sienne, remplacée par bien blême façade; parmi les rangs, je me réintègre, m'efforce de marcher à leur pas. Mais des kits ne sont pas des verres, des gueules cassées qui défilent, des pervers qui matent, des types aigris et des femmes fatales, des putes et des loubards, ni même ces nobles qui viennent retirer le balai qu'ils ont dans l'cul.

Le cœur de la cité, voilà ce qu'il fut, loin des partouzes du nord, de leurs interminables légions de tabourets rouges et parfaits ou de leurs elfes qui se roulent des pelles; près des types qui n'ont pas peur de dire la vérité ou d'foutre un pain, près de la sincérité et des vraies valeurs, même si elles sont troubles, parfois, derrière la fumée des Bloody cristal, ou noyées sous un alcool local. Je le croyais insubmersible tandis qu'on s'enorgueillissait plus vieux rade, le plus Marran d'entre tous; et aujourd'hui, j'attends sa résurrection, que ses néons crachotent à nouveau, envers et contre tous; je veux un beau doigt d'honneur à la noblaillonne et à ses petits feux d'artifices, je veux un roc, inexpugnable à l'image de ce qu'il représente, un putain de roc.

Le bon vieux temps, cette connerie; rien que des regrets, de la bile au fond de la gorge. J'essaie de changer, ou j'attends le changement.

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La Marmoréenne
07 Mars 2016
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