EDC de Akili~68612

J’avais pourtant tout prévu.
M’entraîner comme une forcenée, et passer palier 59. Gagner le pari et obtenir l’équipement de ma mère. Et passer mon existence dans le sang, la violence et la frénésie. Je comptais n’exister qu’en cassant des bouches. Et dans ma vie, rien n’aurait plus compté qu’elle et moi.
C’était ce qui était prévu mais rien n’a tourné comme je l’avais escompté. Les choses se bousculèrent. Des mots prononcés nez retroussé ont installé le doute et la distance. Jusqu’à ce qu’on s’oublie, et qu’on ne se reconnaisse plus. Ce n’était que la vie qui faisait son office. Et la vie n’avait pas pris en compte mes plans.
Il me restait tout une vie de violence devant moi, avec davantage d’efforts certes mais il fallait s’adapter et garde le but final à l’horizon. Des litres et des litres de bouillie de clones d’impérialistes. Du sang et de la poussière. De la douleur à perte de vue. Un cœur des plus calmes dans ma poitrine, et l’agressivité continuellement au bord des lèvres. Je restais en guerre contre le monde entier, et cela me rassurait. Cela voulait dire que mes projets n’étaient pas encore à complètement abandonner. Je pouvais encore mordre.

On dit que toute personne a un point faible. J’avais déjà croisé le mien auparavant, mais je ne l’ai reconnu que bien plus tard. Au début je ne me doutais de rien. Je souriais, je flirtais, juste pour m’amuser. Je pensais contrôler la situation. Je pensais le mener par le bout du nez. Je pensais le prendre dans mes filets et être le chasseur qui amadouait sa proie.
Je me suis trompée. Je n’étais ni chasseur ni chassée. J’étais simplement. J’ai laissé les sourires orner mon visage alors que je le regardais. J’ai découvert un autre monde à travers ses paroles. J’ai rencontré l’optimisme et la bonté. J’ai laissé mon esprit qui était si dur et si sombre côtoyer le sien emplit de lumière. J’ai ouvert les yeux sur un homme si doux et qui avait tant à donner, que j’en fus éblouie et j’ai souhaité tout lui donner aussi.
Je suis tombée amoureuse de sa façon de voir les choses et de les appréhender. De cette aura si bienveillante qui l’entoure. De ce courage infaillible qui bout en lui. Il n’y eut rien de plus beau alors à mes yeux que ces prunelles brunes qui ne regardaient que moi, et ce sourire aux allures d’espièglerie qui étire cette bouche à baisers.
Certains me traiteront de molle. D’autres diront que j’ai perdu mon essence, ma colère, mon goût pour le combat. A ceux-là, je leur dirais que ces choses sont bien futiles quand on ne les partage pas. Il m’a juste donné l’occasion d’évoluer en une meilleure version de moi-même. Une version qui a de multiples facettes, et qui se découvre chaque jour davantage. Une version qui n’a pas perdu sa fureur, mais qui a juste rencontré ce qui lui manquait pour être enfin complète.
Aujourd’hui j’ai l’impression d’avoir cinquante ans de plus. Comme si nous regardions, main dans la main, le monde avancer sans nous. Comme si le poids de la sagesse s’était abattu sur mes épaules pour les affaisser. La volonté s’échappe de moi comme une fuite de gaz dans la plomberie. Je suis jeune et j’ai encore tant à apprendre et pourtant j’ai l’impression de regarder les mêmes choses se reproduire constamment. Les mêmes personnes faire les mêmes erreurs. Je regarde ce secteur que j’aime qui semble englué dans une bulle temporelle, revivant de façon cyclique les mêmes choses depuis mille ans. Je le vois coincé dans la glue ultra forte de la bêtise humaine et de l’individualisme. De la colère et des intérêts personnels.
Je nous sens tout deux fermer les yeux et nous endormir pour ne plus rien voir, mon corps collé au sien, comme parfaitement emboîtés, à croire que Thallys nous a conçus l’un pour l’autre. Nous profitons l’un de l’autre, de nous, de notre contact, de notre odeur, et nous cessons d’exister davantage que l’un pour l’autre.
Et pendant que le monde tombe, nous nous sourirons et nous aimerons jusqu’à ce que l’éternité nous emporte.