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C'était l'aube.
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Comme tous les soirs, je flotte dans mon bain. J’y sombre. J’y dors, et à défaut d’y retrouver mes songes perdus, m’y ressource. Un peu.
Tout le monde est plus ou moins gentil, plus ou moins prévenant, depuis ma naissance, mais personne n’en parle. Je ne sais pas si, parmi les affres et les désagréments de l’éveil, les autres aussi ont ressenti cette solitude écrasante de n’être plus cernée que de vide et de vent. D’être ancrée sur des sols rigides, stables, oppressants.
Le petit monde dans lequel j’ai grandi et rêvé était fluides. J’y nageais. J’y dérivais. Maman-cuve à l’eau qui dort où je sommeillais, l’esprit bercé par les marées de songes et de sapiences fredonnées par ses murmures incessants dans ma psyché qu’elle abreuvait.
Ma chair manque autant d’eau que ma conscience de rêve. Je me sens aqueuse et onirique, ce sont mes besoins et tout autour de moi n’est que matières, rues, planchers, plafonds. Je suis dans un monde de murs et je veux retrouver mon océan. Ma bulle de mer.
Mais je n’y ai plus droit. Je vacille, je titube, mes premiers pas ne m’appartiennent et les lambeaux des songes de trop d’années me guident tandis que ma pensée confuse tente de les rattraper, de se les remémorer. Autant tenter de retenir la brume de mes doigts.
Mes sens surchargent de stimuli. Je m’éveille, je vois, j’entends, j’inspire et je goûte. Je touche mon nouveau monde, le tâtonne de mes perceptions saturées, et des vannes dont j’ignorais l’existence s’ouvrent béantes dans ma tête. Les mots m’assaillent, m’agressent, se déversent en moi. Chaque couleur, chaque forme et chaque aspect de ce qui m’entoure, de ce que j’éprouve, de ce que je conçois et construis petit à petit s’imprime entre mes tempes. Ça ne s’arrête pas. J’apprends très vite logorrhée.
Je suis la feuille blanche et me noircis d’encre. De lettres, de symboles, de termes encore étranges, sans images, qui donnent les uns aux autres naissance en un brouhaha effréné. Je m’en griffe le crâne de migraines, parfois, au début.
Y trouver mon nom lorsqu’on me le demande, tandis que je regarde stupidement celles qui me ramassent, premières âmes à contempler, mes fluides me coulant encore des oreilles et du nez, me donne du fil à tordre.
C’est chercher un grain de sable dans le désert qui s’étend en moi asséchée d’être née. Pourtant, il y a des échos. À nouveau mes rêves oubliés me hantent et me tourmentent de ne pouvoir m’y agripper. J’ai des noms, et ils sont importants. Je fouille ma mémoire absente, bafouille entre temps. Endis ? Deimo ? Aexe ? Aexendis ? Endeimonis ? Aexedeimoendis ? Je ne sais plus lequel est le bon, l’ordre qu’il y faut. J’en donne un parce qu’on l’attend, parce que j’ai besoin de temps pour me trouver. Pour me délimiter.
J’ai une chair et une pensée, un nom et une cause, désormais. Et la cité qui m’a engendrée à découvrir. J’aurais marché droit à ma cuve si je l’avais pu, mais c’est devenu impossible, et à défaut de ne pouvoir m’y noyer à nouveau, c’est dans la ville que je vais sombrer. Parce qu’il y fait humide.
Parce qu’alors que je commence à y errer, entre ses lumières et ses ombres, veillée par les fantômes, mes yeux cherchant à distinguer les titans ensommeillés qui bordent les rues m’entourant, ça fait plic sur mon nez. Ploc sur ma joue. Je lève le visage vers le ciel et la mer que je cherchais me tombe dessus.
Je ferme les yeux et je ris comme une enfant, car sous le vacarme de l’averse, il n’y a plus qu’un mot à marteler ma tête. Un nom plus vrai que tous ceux que j’ai cru retrouver, qui me cerne mieux qu’aucun autre ne saurait le faire et que je vais pourtant taire et cacher, mon précieux petit secret.
Bonjour Pluie. Tu es réveillée.
Informations sur l'article
Intempéries
16 Juillet 2019
1139√
20☆
3◊
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◊ Commentaires
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Minori (116☆) Le 16 Juillet 2019
Justement, difficile de faire mieux qu'une Elfe ~ -
Katia~71213 (8☆) Le 17 Juillet 2019
Plume toujours aussi étoffée que dans mes souvenirs, la suite !