EDC de Ael~23566

Les coups s'enchaînent. Dans cette salle immense, vous n'êtes que deux. Coup après coup, les minutes, les cycles s'égrènent. Ont-ils seulement une signification, désormais ? Non, probablement pas.

Crochet droit au visage. Tu te baisses en souplesse, parant à demi grâce à ton bouclier. Ces frappes sont comme autant de notes hypnotiques. Vient un temps où tu cesses de les compter, où tout cela devient futile. A nouveau, ton esprit semble s'évaporer, tels les volutes d'un grisé céruléen d'une gitane arrivée au bout de son mégot. Tu fermes les yeux.

Saisies de ton poignet. Perte d'équilibre. Son coude siffle. Tu tournes la tête, accepte la chute. Roule et reprend ta posture dans le mouvement. Et ça recommence. Il n'arrête pas. Tant mieux, vous n'êtes pas là pour arrêter. Tu en as besoin. Cette douleur sourde et lancinante.

Alors que dire lorsque l'on "danse" pour les deux à la fois ? Tournent, tournent les souvenirs, les bribes de mémoire, les blackout se succèdent. Les barrières du temps se brisent sous les poings de celui en face de toi. L'espace reste le même sans l'être. Tant de choses ont changé...

Fauchage derrière la cheville. Saisie. Ton poignet craque. Ton corps suit et craque tout entier. Mur. Genou à terre. Le sien vise ta tempe.. Tu tournes la tête. Il percute ton front. Tu voles. Ta bouche s'imprègne ce goût ferreux. Tu n'es sonnée qu'un instant. Relève-toi. Relève-toi. Relèv-

Coup de pied frontal. Il a effleuré ton menton. L'adrénaline court et galope dans tes veines. Tu as du mal à suivre. Debout ! Deb-

Il te chope par le col et te campe sur tes pieds. Tu obéis. Il ne gueule pas. Tu ne bronches pas. Ta garde tremble. Tu chancelles. Ton regard vide essaye de croiser le sien. Rien. Sous l'éclairage fébrile de la pièce, tu ne distingues plus les traits de son visage. C'est amer. Il dit quelque chose.

Tu clignes des yeux. Il dit encore quelque chose. Ses lèvres ne remuent pas, pourtant.

Il recommence. Tu clignes à nouveau des yeux. Tu ne le vois plus.

Quelle est cette brume...? Pourquoi...?

Des mains passent dans ton cou. Tu souris. Plus de souffle. Tétanisée. Encore cette brume. Il recommence, il dit quelque chose. Tu ne comprends pas. Tu te sens figée. Le coup de genou t'a cueilli en plein sous le diaphragme. Non. Pas maintenant. La brume s'assombrit. Non. Non.

NON.

Ça ricane. Tu n'as pas compris ses mots, mais il ricane. Un sourire carnassier fend son visage alors que dans la plainte d'un chuintement métallique, la lame paresseuse s'extirpe de son fourreau. C'était pas prévu. Tu es K.O. debout, sonnée. C'est à peine si tu tiens sur tes jambes. Mais il le faut, il le faut. Il avance. Il casse la distance. Tu fixes le tranchant, pâle. Bouge, bordel, bouge ! Essaye au moins de lever ta garde, essaye de te baisser, essaye, essay-

NON !

Tu te réveilles en sursaut et te jettes sur ton kanuf. Le souffle court, la pupille dilatée. Le silence.
Le noeud dans ta gorge t'y fait porter instinctivement la main. La mince cicatrice jure avec le grain de ta peau, sous la pulpe sensible de tes doigts.

Tu serres ton arme à t'en faire mal.

Il n'y a personne.