EDC de Achab

[Quelques spoils sur des évènements récents en S3, lisez en connaissance de cause !]

Nous sommes jeudi, il est neuf heures. Achab se redresse brusquement sur son lit, en sueur. A peine quatre heures se sont écoulées depuis qu'il a quitté l'hôpital, laissant son dernier patient inconscient sur un lit pour rejoindre le sien, et c'est déjà la troisième fois qu'il se réveille. Il n'a pas été blessé la veille, un miracle compte tenu du carnage, mais le souvenir de ce supporter agonisant dans le regard duquel la vie s'est éteinte sans qu'il ne puisse rien y faire le hante. Pourtant il faut qu'il dorme, leur tâche est loin d'être accomplie… Quelques cachets et un filet d'eau plus tard, ses yeux se referment et le sommeil l'emporte.

Le reste de la journée s'écoule rapidement, entre siestes et préparatifs pour la soirée. Son esprit n'est tourné que vers un objectif : anéantir les monstres qui ont envahi leur secteur, pour s'assurer qu'il n'y aura pas plus de dommages.

Ce qu'il n'avait pas prévu, c'est que sa proie changerait par rapport à la veille. Non plus des mutants mais des humains. Pas moins monstrueux cela dit. Et si la soirée de la veille lui avait semblé infernale, ce n'était rien en comparaison de celle à venir.

Des heures et des heures de combat. Des tirs dans tous les sens, mais sa chance semble le suivre et il n'écope d'aucune blessure. Il finit même par nourrir le fol espoir qu'ils puissent supprimer l'ensemble des assaillants. Jusqu'à ce qu'Elle arrive. Monstrueuse, gigantesque, et un hurlement qui, se dit-il en l'entendant, rejoindra sans aucun doute les yeux vides dans ses futurs cauchemars. Incapable d'esquisser le moindre geste suite à son apparition il ne peut que regarder, totalement paralysé, une pluie de tirs acides s'abattre sur leur groupe, blessant une bonne partie d'entre eux. Puis les affrontements s'éloignent, laissant derrière eux des tympans percés, un visage en partie brûlé et de nombreuses autres plaies. Sa petite voix intérieure lui souffle de faire demi-tour : après tout, que pourra-t-il faire face à des adversaires à ce point plus puissants que lui ? Il lui faudra bien des efforts pour l'ignorer, se répétant en boucle, comme un mantra : "Avancer. Ne pas penser. Avancer encore. Toujours. Ne pas penser. Avancer."

Quelques soins rapides plus tard, ils reprennent leur ascension. Quelques échanges de tirs, le visage de leur meneuse à moitié arraché par le plasma d'un samus, abattu dans la foulée. A moins que ce soit un autre ? Il n'en est plus sûr, les volutes de fumées toxiques et la buée sur le masque de sa combinaison rendant la fusillade floue à ses pauvres yeux. Les dégâts matériels sur l'infrastructure sont conséquents, mais ils n'ont pas le temps de s'en soucier, il leur faut continuer. Concentré uniquement sur cette pensée pour ne pas laisser de place au doute, il s'efforce de suivre le groupe. La fatigue l'envahit un peu plus à chaque pas, il en viendrait presque à remercier les blessures qui les ralentissent.

L'arrivée au sommet pourrait être un soulagement, si le sommet en question ressemblait moins à l'enfer. Un smog épais, noir, parcouru par le bruit d'affrontements au corps à corps, bruit étouffé par la pluie acide s'abattant en trombes sur eux. Des éclairs de mauvais augure qui crépitent dans le ciel, les équipements électroniques qui rendent l'âme, les tirs de plasma qui s'évaporent sans toucher leur cible... Et ce n'est pas le plus angoissant, loin de là. Bien plus stressante, la douleur à la nuque qu'il a ressentie en arrivant sur le toit. Douleur rapidement expliquée par une camarade plus habituée à ce genre de choses : "... hors zone APM !" L'idée de plonger du haut du mur vers le sol du secteur l'effleure, sans qu'il ne l'étudie plus sérieusement que ça, l'esprit accaparé par la vue du gigantesque canon de défense sectorielle... tourné vers ceux qu'il est censé protéger.

Il ne faut que quelques dizaines de secondes pour que leur petite équipe se retrouve à son tour prise dans les affrontements. Ils ne sont pas loin de la zone APM, encore en territoire allié. A moins que l'ennemi ne prenne leurs puces avant de partir, il est presque certain qu'ils seront secourus. La vue d'une alliée jetée au sol puis rouée de coups, le visage tuméfié, sans que son corps ne disparaisse même après sa mort, n'en sera pas moins marquante. Tout comme celle d'un autre, réduit en bouillie de chair en un instant, à quelques mètres seulement du vautour. Ou encore celle de cette jeune n'ayant jamais connu la cuve, transpercée d'une lame presque aussi longue qu'elle. Impuissant face à la force de leurs ennemis, il poursuit sa course vers le canon, animé par l'espoir de trouver une façon de l'empêcher de tirer, ou de dévier son tir vers le ciel, ou vers la mêlée. Espoir rapidement douché par l'absence de terminal. A peine a-t-il eu le temps de constater cela que tous les assaillants quittent brusquement la zone, plongeant dans le vide vers le secteur 6. L'étonnement cède le pas à la panique en constatant que le canon est presque totalement chargé. Médusé, refusant d'accepter qu'ils ne peuvent plus rien faire, il ne peut pourtant que regarder le tir s'abattre sur le secteur, et une gerbe d'éclairs sur ses camarades, qui s'effondrent tous, foudroyés sur place. Il regarde autour de lui, sans vraiment comprendre ce qui vient de se passer, hallucinant en voyant des combattants pourtant bien mieux équipés et bien plus résistants au sol, comme des marionnettes dont on aurait coupé les ficelles, quand la chance qui l'accompagne depuis deux jours semble lui avoir sauvé la mise une fois de plus.

Les poings serrés et des larmes de rage au coin des yeux, il reste quelques instants à observer le massacre, du moins ce qu'il en voit à travers le smog. Une petite récolte de puces plus tard, il retourne vers le secteur. Le reste de la soirée lui semble flou. Peut-être que la choppe de mort'gane y est pour quelque chose... Reste à trouver une solution viable à long terme. Un foie synthétique ou une psy, dilemme.