EDC de 71478

- C'est encore l'aut' troll qu'a baisé sur la console ou quoi ?

Le technicien s'affaire, vérifiant les registres de sorties une nouvelle fois, l'air contrarié. C'est qu'il n'aime pas quand ça dévie de sa routine, le gus. La journée avait pourtant si bien commencé. Il était arrivé un peu en avance, comme à son habitude. Il avait retiré sa veste, l'avait suspendu soigneusement à un cintre de se consigne avant d'enfiler sa blouse de travail. Il avait tourné la page de son calendrier Playorc, nouvelle semaine oblige, le temps que son cafey coule. Puis il avait lancé un épisode de l'Amour est dans le Quartier - une télé-réalité de l'autre secteur qu'il avait racheté à un dealer plumé, dans tous les sens du terme - quand la console s'est lancée dans un protocole de décryogénisation impromptue. Le type contrôle les constantes de l'elfe, révise quelques paramètres au vue de l'avancée de la procédure de dévitrification des tissus, avant de retourner, plus serein, à sa série. L'information irradie dans les membres, remonte inexorablement vers le cortex. Maigre mouvement de l'index. La machine se relance laborieusement, ralentie par la viscosité des fluides internes. Il faudra attendre encore quelques heures avant que ne s'enclenche le remplacement du gel cryoprotecteur par un plasma approprié.

Le technicien passe devant la cuve, process quasi achevé. Il corrige quelques variables sur son terminale portable puis s'éloigne, peu enclin à taper la discut' avec un fantôme. Les pupilles se rétractent, raz de lumière qui s'imprime sur ses rétines. Les néons des lampes de chauffage cillent perceptiblement au-dessus de lui, dans un léger bourdonnement. Bourdonnement qui cingle son crâne, nausée au bord de ses lèvres violacées. L'effet ne se fait pas attendre. Le corps se contracte, se plie par-dessus le lit, expulse quelques gerbes incontrôlées de fluide blanchâtre. L'elfe reste en suspens, sueur fraiche perlant son derme laiteux, avant-bras flageolant, filet de bave suspendu au menton. Le smog ébouriffe ses tifs qu'il plaque d'un geste mécanique vers l'arrière de son crâne. Il reste là, hagard, pensées encore ralenties et engourdies, surplombé par la façade du centre de cryogénie. Ses prunelles mordorées embrassent le relief de la rue qui se dresse face à lui sans réel détail auquel s'accrocher. Le seul truc auquel il peut se cramponner est cette besace plaquée nerveusement sur son torse. Ses doigts hésitant fouillent le contenu, se frayent un chemin entre les câbles optiques de quelques implants, un paquet de clopes orné d'une fleur bleue et un appareil assez fin. Le méta se cramponne à la moindre miette qui s'affiche sur le minuscule écran, à peine déconcentré par le type qui le bouscule en vociférant quelques insultes à son égard. Il ne se rend pas plus compte que celui-ci lui a fait les poches. Bien maigre butin, quoi qu'il en soit. Les informations glanées ne font pas écho. Tourte blanc... Un fragment de son clone semble bel et bien être resté à quelques lieues sous terre, dans les dédales du centre de cryogénie. Il n'a qu'un nom, laché nonchalamment par l'employé qui l'a mené dehors. Imna.