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III - Reflet synthétique

III - Reflet synthétique



Aicowa ouvrit ses yeux, lentement. Les ténèbres de sa conscience furent transpercés par une lumière aveuglante, éclatante et belliqueuse, insoutenable pour les iris synthétiques de la gynoïde. Ses mirettes se fermèrent, instinctivement, se protégeant face à cette attaque surprise. Sa main droite s’activa mécaniquement, elle vint aider ses yeux à se protéger de la source lumineuse agressive. Elle était protégée, enfin, et les ténèbres couvrirent la vue de la petite gynoïde afin que sa bulle protectrice, son cocon, ne soit pas transpercé. Vous connaissez, j’en suis certain, la couleur légèrement orangée lorsqu’une lumière vive agresse vos paupières, les traverse et vous renvoie une lueur de peau, cette sensation de protection face à une source lumineuse que vous ne pouvez affronter directement tant elle est intense.


C’est ce qu’il se serait passé si Aicowa avait été une androïde normale. Mais elle ne l’était pas. Lorsque la lumière attaqua l’androïde, ses connectiques transmirent les ordres, mais ses membres ne répondirent pas : ni les paupières, ni sa main, ni son bras. Étonnant ? Non. Elle n’avait plus rien de tout cela. Elle subit de plein fouet le choc d’une lumière vive qu’elle n’avait pas vu depuis cinq ans. Et en cinq ans, les connectiques naturelles de l’androïde avaient perdu leurs facultés d’adaptation à la nature : la machine se relançait, et s’enclenchait, mais la conscience, elle, était déjà fortement rongée, tel un virus informatique qui attaque le système dès son allumage. Elle était nue, livrée à elle-même, et incapable de se protéger. Elle était vulnérable.


L’Unité de Combat cria, ou peut-être que non, le crût-elle simplement, nul ne le saura. La douleur fût intense et violente, elle transperça Aicowa et l’arracha à ses rêves, à son monde si idéal. La carcasse fondue se débattait sur la table d’opération qui fût son lit plusieurs années durant. Après quelques instants, les lumières vives du laboratoire s’éteignirent, laissant place à des petites diodes lumineuses très faibles, créant dans l’espace une pénombre rassurante, parfois tachée de rouge ou de blanc cassé.


Le système de l’androïde se mit en route, peu à peu. Aicowa observa les alentours, alors que sa carcasse calcinée redémarrait doucement. Pendant que ses facultés motrices s’activaient, dans un bruit mécanique témoignant de la très longue veille de son corps, ses yeux s’adaptaient progressivement aux minces ténèbres. Elle parcouru du regard les alentours, détaillant de ses perles optiques le laboratoire qui fut sa chambre.


Froid, c’est l’adjectif qu’elle utiliserait aujourd’hui si elle devait décrire le milieu dans lequel elle s’éveilla. Malgré les quelques diodes éclairantes, pouvant apporter du réconfort à une gynoïde n’ayant connu qu’abysses et horreurs impensables, le lieu n’en restait pas moins lugubre et peu avenant. Quiconque ayant bâti cet endroit ne devait compter y séjourner, ou bien n’avait pas de goût. Une table d’opération, entourée de machines sans conscience mais autonomes, des carcasses vides pour un androïde doté de la pensée. Plus loin, un bureau trônait, surmonté d’un Lyria et d’un hologramme allumé.


Les jambes lourdes, Aicowa s’approcha du petit bureau. Entre elle et son objectif, quelques petites marches se trouvaient, élevant d’à peine un mètre le synthé-bois de la synthétique. Pourtant, les connectiques encore brouillées, la gynoïde ne vit pas l’obstacle, qui la fit trébucher et s’écraser contre le sol. Une fois relevée, elle s’approcha de l’écran lumineux qu’elle activa.


Elle la vit.


Errant dans le couloir, nue comme un ver exogène, l’Unité de Combat ne savait où aller. Aucun objectif ne se dressait devant elle. Elle marchait, elle savait qu’elle le devait, mais sans savoir pourquoi. Les lumières dudit couloir étaient plus fortes, mais les nerfs optiques synthétiques d’Aicowa étaient maintenant en plein état de marche. Au loin, à quelques dizaines de mètres, une forme apparut, accompagnée d’une petite lueur rouge. Plus ses pieds calcinés dévoraient les mètres, plus elle compris. Elle traversa en courant ce qui la séparait de son objectif. Et elle vit.


Bonjour, Aicowa.




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Chroniques d'une androïde
10 Mars 2020
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