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Une petite humaine à la dégaine douteuse rentre dans un studio minable loué quotidiennement pour quelques crédits ou contre un service rendu à la va-vite dans une cage d'escalier.
Des sacs aux ventres bombés par tout un tas de conneries récupérées de-ci-de-là, sont jetés au sol sans ménagement.
Une main fine et fragile se glisse lascivement dans la poche d'un vieux blouson déchiré.
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Le désordre étant tout bonnement l'ordre que nous ne cherchons pas, d'une volée, un paquet de clopes s’échoue près d'un cendrier tout dégueulant, une cp et une capsule sans intérêt finissent leur course folle en chutant sur le sol crasseux.
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La petite humaine aux traits fins et à l'allure androgyne s'effondre dans un fauteuil tanné par l'usure du temps. Un long soupir s'échappe d'entre ses fines lèvres, une jambe reposant sur l'accoudoir. Le geste imprécis, elle glisse ses écouteurs à ses oreilles, calant sa tête sur le dossier. Faussement paisible, elle va écouter de la musique tout simplement.
Un verre de cocktail traînant sur la table basse est saisi.
Les yeux se closent comme pour mieux capter les vibrations émanant de son MP7, elle dodeline en sifflotant.
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Ça fait bien longtemps qu'elle n'a pas réellement écouté de la musique, aucun souvenir précis sur un dernier instant possible d'émotion passé en compagnie d'une partition. Vrai que ces plaisirs là n'ont pas forcément une place dans ce monde insipide et gris.
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Elle se sent bien, et pourtant quelque chose la fait timidement grimacer. Une sensation étrange lui tirant par à-coups la lèvre supérieure. Elle se laisse porter par le rythme cherchant un semblant de réconfort.
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Peut-être, désire-t-elle atteindre un no man's land pour échapper à sa misère existentielle ?
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Parce que sa vie n'est qu'une farce.
Comme on lui dit fréquemment : " La vie c'est comme un dwich à la merde, plus il y a de pain moins on sent le goût ! ".
Elle n'aime pas ce qu'elle voit ni ce qu'elle fait.
Toujours en décalage avec ce monde dans lequel elle évolue, un malaise constant lui ronge les entrailles et lui torture l'esprit.
Elle n'est probablement pas à sa place mais rien ne laisse poindre qu'elle en ait conscience. Du haut de ses deux années d'existence, errant dans cette puanteur, dans cet enfer peuplé de démons que l'on ne peut vaincre qu'en la bouclant avec pour seule autorisation l'acide digestion des injustices et des insultes régulières. Elle songe parfois à partir.
Mais pour aller où ?
Alors, ce soir, faute d'autre chose, son esprit se permet de voguer sur des accords l'éloignant momentanément de sa triste réalité dévorante.
Le cœur probablement touché, une larme perle puis roule sur sa joue avant de s'évaporer. Résignation ?
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Soudainement, bien maladroite, les doigts fins se décrispent, le verre est lâché et se brise heurtant le sol.
Et, même si le liquide se répand tout autour des pieds du fauteuil, ses yeux restent clos.
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Est-elle surprise par ces accords hypnotiques et planants qui longent ses synapses ? Lui paraissent-ils familiers même si il lui est certain de ne jamais les avoir entendus ? Ils sont beaux, merveilleusement beaux à l'oreille.
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Comme une caresse, ils inhibent toutes ses forces en abaissant toutes ses défenses, la pénétrant plus profondément. Cristalline et distincte, chaque note escalade avec puissance son for intérieur, chemine en elle si facilement qu'elle s'offre une traversée sans encombre en coups divins, véritable ascenseur émotionnel. Naissance d'un vertige à la limite de la nausée mais sans jamais en franchir le seuil, mon dieu que ce son est orgasmique. Il doit-être surnaturel pour réussir à ce qu'elle le perçoive ainsi, l'humaine n'est même pas mélomane.
Désir ardent, il semble vouloir la posséder si fort que son esprit se met à la torturer faute de ne pouvoir le saisir et l'emprisonner, chaque note teintant effaçant la précédente toujours avec plus de force et de vivacité.
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Elle n'avait jamais rien écouté avec autant d'attention que ce soir-là, dans ce fauteuil, dans ce salon, dans cet appartement miteux. Un sursit peut-être ?
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La jeune femme enrage maintenant, de ne pouvoir toucher cet appât, de ne pouvoir l'embrasser et l'étreindre fortement contre son cœur. Sensation si douce, pour la première fois depuis bien longtemps, elle en crève de ne pouvoir le posséder.
Mais, tout à coup, une vive perception désagréable d'étroitesse la submerge. Elle tente de se sortir de cette position ressentie comme inconfortable vainement comme paralysée, le son l’étreignant de plus en plus loin du rivage du vivant, bien difficile de se débattre sous tant de puissance.
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Vers quoi glisse-t-elle ?
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C'est à cet instant qu'elle saisit que tout cela n'est qu'un piège et rien de plus.
Les présentations sont faites : le son du malin vient la chercher pour l'emporter dans un autre enfer où elle sera damnée à jamais.
Mais, au travers de ce capharnaüm dont elle ne distingue plus aucun instrument, le bruit lointain d'un verre se brisant sur le sol la ramène à sa réalité qui explose tout autant. Écouteurs arrachés précipitamment, elle se redresse dans un élan en rouvrant les yeux, le regard embué posé sur la nappe du liquide inondant le sol.
Puis, Plus rien ! Le silence devient alors plus tapageur que tout le reste.
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Si cette musique vous vient à l'oreille, ne vous laissez pas charmer, elle n'est que le son de votre mort définitive. Un revers de main bien ajusté pour la chasser et ce ne sera que partie remise.
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Fin orchestrée, la jeune femme se lève mollement en remettant un peu d'ordre dans sa tignasse blanche. Son regard croise l'effrayant reflet brouillé dans un miroir au tain noirci. La vie toute sale peut reprendre son cours comme si la farce se devait de poursuivre.
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“ Crache sur l'absurde absolu, reste vivante et cherche ta raison de vivre ! Plus clairement, Cesse de déconner Awen, p'tain ! ”
