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La seconde naissance

# [Rapport des évènements de la nuit du 4/283.3]
"Nos éternités expérimentent deux naissances. L'une est le fruit d'une mécanique consciencieuse, l'autre est surprise au grès de nos conditions respectives. La première est physique. La seconde est doctrinale."
Voilà plus d'une semaine que je survis. Ici, dans cette foutue Cité aux allures vagabondes j'erre. La crasseuse Dreadcast a l'essence chaotique. J'ai commencé à y faire mon trou et à me complaire dans la jouissance de ces vices. Le hasard te conduit, il s'essaye aux subtilités et aux artifices. Il te crève même au détour d'une ruelle. Le hasard est une salope. Il devient une amie, la routine puis la monotonie indubitable à notre réalité.

Nous y voici donc, dans notre bulle libertaire. Elle ne connaît pas d'accrocs non ? Je peux t'assurer que non, il ne se passe rien. Les petites questions sur ta petite liste de jeunot, tu t'l'as fous au cul. Faut pas pousser le raisonnement jusqu'à entrevoir l'abîme existentielle : quel est notre raison d'être ? Ne paniques pas. Fais comme tout le monde. Vas-y ! Imites-les ! Noies tes questions dans l'alcool, coupes-les à la crédit-puce avec laquelle tu fais ton rail de synthé-coke. Les premiers balbutiements et les errances passés, maintenant, tu fous rien. L'aventure fut brève. Ta sphère libertaire ne souffre pas d'accrocs non ?

Puis, le réveil. Ça sonne, ça frappe sec et sans frémir. L'ennemi est là, aux portes du microcosme libertaire. Les alertes résonnent dans chaque quartiers. S'entame la chorale des sirènes lorsque les spots publicitaires s'effacent. Ils se substitue aux ordres de... je ne sais qui.

Là, j'avais pris mon rendez-vous picole et défonce, mon atelier du lundi soir. Changement d'plan, la gonzesse s'tire vers le Centre Militaire, moi j'reste sur zone. Faut d'abord bien comprendre que les multiples dangers qu'étaient censés préoccuper l'secteur, je connaissais pas. Certes, on m'en avait vaguement parlé à mon premier jour, alors tout aussi vaguement j'ai joué l'effrayé pour donner le change au prof' du moment. Mais là, maintenant. J'avais vraiment la trouille. Pourquoi ? D'un truc que j'ai jamais vu ? Que j'connais pas ? Ta gueule putain !

En un temps minime, le SAS est forcé. La panique m'empare. Que faire ? Les messages se contredissent, le chaos est total, la désorganisation bien réelle. Soudain ! L'afflux d'énergie cesse. Le noir, total. Impénétrable obscurité. Incompréhensible volonté de cet adversaire. C'est qui les impériaux ? Des électriciens ? Mon communicateur est la dernière chose encore en fonction : Planques-toi connard ! J'me dirige à tâtons vers un probable échappatoire. Je pige que dalle, pourtant je flippe sévère. L'instinct de survie ? Sans doute. Dehors sous le smog, l'obscurité en est devenue paralysante. Le ronflement urbain est trop silencieux. Des cris, puis des explosions au loin. La Dreadcast que j'ai toujours connu, paresseuse et insipide, se meut en cité guerrière.

Je prends la fuite. Je passe d'une maison à l'autre, je force même des frigo pour y voler un peu de nourriture. Boites de conserves en main, d'quoi tenir un siège de rien du tout dans mon appart', je cours. J'atteins mon logement. Honte à moi ! Couard ! Enfin débusquer le havre de paix ? T'hallucines ! J'allume mon communicateur, comme une radio dans l'obscurité j'écoute. Des hurlements résonnent. Des cris s'écharpent par delà l'interphone. Les voilà. Ils sont aux pieds de la barre d'immeubles.

Venons-en aux mesures draconiennes, mais dérisoires. Je renverse mes meubles pour former une barricade. Prêt à tenir un siège, j't'avais dis ! L'opération brise du verre, pas le temps de s'émouvoir pour le moment. L'heure est à la survie. Une petite escouade passe effectivement dans la ruelle. Je ne peux qu'apercevoir les faisceaux lumineux assassins. Ils pénètrent rigoureusement dans des appartements préalablement ciblés. Le raffut des armes... le départ de la troupe meurtrière.

Bien huilé, parfaitement coordonné, les assassins de l'Empire font leurs sales besognes. Ils ont même le culot de répandre leur propagande dictatoriale. Mais déjà, des rebelles courageux rétablissent le jus. La contre-attaque s'organise !

Au plus vite, une réunion sectorielle met en lien une cinquantaine des nôtres. Les réactions fussent. Comme pour moi, l'éveil fut brutal pour cette nouvelle génération rebelle qui s'élève.

Quel bilan de cette journée de chaos ? Ce fut un massacre. 3 bouteilles de Skiwi. 108 morts. Un black-out. Un nombre incalculable de destructions. La violation de nos terres et de notre savoir. Mais une puissante leçon. Sais-je qui je suis ? Jamais sans doute. Toutefois, aujourd'hui je sais qui je ne serai jamais. J'ai gagné la raison de me battre et surtout d'exister. Devant les ruines encore fumantes, devant les cadavres amoncelés, je suis intégralement Rebelle. La seconde naissance, c'est l'éveil idéologique.

"Ma véritable naissance eut lieu le dixième jour à compter de mon éveil. Au-delà d'une éternelle existence, je savais dès lors pourquoi et vers quoi elle devait s'étirer."
Vive la Rébellion, à jamais !

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28 Septembre 2017
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