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Une bulle éclatée

Une minuscule bulle roule entre les méandres de son cerveau, aérienne, légère, se hasardant entre ses neurones, se fondant parfois en eux, brièvement, avant d'en ressortir, parcourant une autre région de ses encéphaliques circonvolutions qu'elle effleure de sa pesante légèreté.
Son esprit erre, égaré à la lisière entre conscience et inconscience, le rêve et la réalité, essayant de reconnecter un peu son être comme les jours de réveil difficile, que la veille ait été alcoolisée ou non.
Une mélopée de gargouillis l'enveloppe, l'enserre, la berce; les sons graves, pâteux, entrainent son attention un peu plus loin de son être. Les notes rebondissent autour d'elle, non pas comme une musique guillerette mais plus comme un écho qui l'emportent plus profondément pour ancrer une position: la sienne. Faut-il donc abandonner cette légère étourderie? Cet état de comateuse indifférence reposante? Et pour quoi le faudrait-il?
Elle froisse son nez qui ne sent rien. Pas de puanteur naturelle, pas de parfum d'ambiance, pas de parfum tout court à attribuer à un individu, à la rouille, aux déchets qui jonchent les rues, au parfum qu'elle a appris à coller à la ville désormais. S'il est bouché, cela ne l'empêche pas de respirer même si cela semble oppressant et compliqué de remplir cette fonction. Juste une impression de moiteur désagréablement glaireuse qui donne envie de vomir à chaque inspiration maintenant qu'elle y pense.
Un hoquet part de ses entrailles douloureuses comme pour donner corps à cette envie d'expulser... quoi? Ce quelque chose gluant au goût vaguement salé qui lui prend la gorge?
Elle crie!
Essaie en fait.
Le silence seul lui répond.
Ou plutôt, les gargouillis, soudainement plus nombreux autours d'elle.
Bulleusement assourdissant.
Brièvement.
Elle ouvre les yeux!
Réflexe inutile; pour ce qu'ils lui servent.
Une lumière verdâtre, sombre, des tâches blanchâtres qui se déplacent au loin? Peut-être... Le tout dans son éternelle grisaille qui ne l'a jamais laissée plus que distinguer un environnement affreusement flou...
Elle remue, elle gigote;
Fuir...
Les gargouillis augmentent.
Elle n'a pas faim, elle en est certaine; son ventre...
Elle plaque ses mains contre lui, rassurée.
Pourquoi rassurée?
Une douleur fugace la consume.
Encore.
Une brûlure!
Un cri!
Le mien!
Le feu qui me pénètre, me perfore.
Mes entrailles qui, littéralement, s'évaporent.
Mon hurlement à la mort,
alors que s'affaisse mon corps.
Je suis où, bordel?
Un instant plus tôt, le ronronnement d'un tranchoir qu'on allume,
une chaleur qui menace mes plumes,
des menaces qui se noient dans mes brumes.
"Casse-toi ou je te cuve!"
Plus tôt, encore...
"Tu veilleras sur elle quand je ne serais plus là.
-Tu n'as pas mon autorisation pour disparaître!"
Retour au présent, à ma mort,
Ses sanglots et sa folie m'offrent l'extrême onction et la nettoie, la libère de ma présence envahissante...
Plus tôt, beaucoup...
"Tu as le pouvoir de me tuer, tu sais?"
Présent.
Ses larmes... Chaudes, douces et amères qui gouttent sur ma blessure, qui m'emportent, qui m'escortent vers un néant, un oubli.
"Tu envoies déjà ta femme en cryo, tu sais?
-Tais-toi, disparais!
-Non, je ne peux pas."
La bulle éclate, la conscience reprend place à mesure que son organisme est recréé; la vautour est dans son caisson, les bulles roulent autour de son corps, caressant ses meurtrissures, chatouillant sa conscience et la plongeant dans sa souffrance.
Pourquoi sortir?

Informations sur l'article

Cauchemar
14 Octobre 2017
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