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EDC de 65442

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Extrait - contes des murs

Le temps n'avait peut-être plus d'importance.

C'était du moins ce qu'elle se disait en parcourant les ruelles. Plus que le temps, c'était l'espace qui dictait sa loi à la lumière ; des boulevards aux artères, des artères aux venelles, des venelles aux impasses, les chemins étaient à l'image d'un réseau sanguin . Néons et réverbères se faisaient de plus en plus rares à mesure que l'on s'éloignait du coeur, et les pulsations, bruitages des habitants affairés, se faisaient de plus en plus diffuses.

Dans ses journées à elle, c'était la fin de soirée, cet instant où elle avait terminé ses larçins et regagnait son terrain. Un kanuf et quelques crédipuces en poche, elle slalomait entre les personnes en maigre tenue qui vendaient leur absence de vertu, entre les éclairages tamisés et les bruissements des courtiers. L'entrée de son quartier, le calme, enfin.

Beaucoup craignaient la solitude. Ce n'était pas son cas. Au contraire, loin des cris et des vendeurs, loin des pubs et des clameurs, c'était là qu'elle pouvait le mieux entendre le pouls de la Ville. Le crissement des pas des cafards au long de la tuyauterie vétuste, le son étouffé de ses voisins qui réglaient leurs différends – ou qui se réconciliaient sur l'oreiller, allez savoir. Les ronronnements lointains des labos clandestins.

Elle lisait rarement les petites annonces ou les panneaux holographiques vantant les mérites de quelque supposé sorcier capable de ramener l'être aimé avec du skiwi et une crédipuce. Elle n'avait jamais posé le doigt sur une page d'Ab Urbe Condita ou d'un ouvrage similaire. Mais, à force de vivre dans son petit monde recroquevillé, elle y était attentive, sensible au moindre changement dans la façon dont voguait le smog.

La première nuit, il n'y eut pourtant rien, rien de remarquable en tout cas. Le contrebas du bas-quartier poursuivait sa vie de survie à la rythmique hachée, dans un calme calfeutré loin des saveurs feutrées de la haute-société. Malgré tout, quelque chose la troublait, de ce type de sentiments diffus que l'on a, parfois, une certitude obscure que quelque chose était tout à la fois inhabituel, et – trop – à sa place.

Larçins, crédits, 'douich et skiwi, son existence diurne suivait son cours à peu près serein. La deuxième nuit, le sentiment s'était accentué, inexplicable mais indéniable, nimbant son sommeil de rêves d'enfermement qui la laissaient émerger avec des sueurs froides. L'impression ne ferait par la suite que se renforcer progressivement, sans pour autant être assez tangible que pour mettre le doigt sur la problématique.

Mettre le doigt, voilà exactement l'expression adaptée, au soir de cette cinquième nuit. Sur sa caffeyhtière, en l'occurence. Deux centimètres plus proche. Connaissant par coeur la position du moindre objet dans son appartement reclus, la situation ne pouvait être une coïncidence. Quelque chose changeait, elle en était à présent certaine. Tout autant que du fait qu'elle aurait dû accueillir la nouvelle avec angoisse.

Elle se sentait bien, pourtant, dans son antre plus tiède et confortable que jamais. Elle prendrait un jour de congé – elle pouvait se le permettre, après tout. Au plus proche du pouls de la Ville, loin des pubs et des clameurs, du bruit et des vendeurs, dans le calme du bas quartier. La caffeyhtière était maintenant plus proche de cinq centimètres. Près de la lucarne étroite, on entendait la pluie tambouriner. C'était une belle soirée.


Dans leur pudeur les murs se nourrissent à l'écart. C'est ainsi que naissent les nouveaux quartiers.

◊ Commentaires

  • Helina (320☆) Le 10 Octobre 2018
    J'adore ton style personnellement *-* Je ne m'en lasse jamais !
  • Eaven (1181☆) Le 11 Octobre 2018
    C'est beau, les contes !
  • Sana_Peli~68695 (417☆) Le 13 Octobre 2018
    Mais maintenant la question est : comment naissent les villes :o !