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L'histoire qu'écrivent les autres.
La salle voûtée est plongée dans une pénombre apaisante. Seuls quelques rais de lumière transparaissent, les reliquats des lampadaires et des néons qui se fraient timidement un chemin au travers des vitraux rouges. Quelques tableaux sont posés ici et là ; en nuances de gris et de noir dans cet environnement de pourpre et de sombre, il faut être proche, à en sentir l'odeur de poussière, à en frôler la croûte texturée, pour espérer en distinguer les traits.
Souvent les vainqueurs écrivent l'Histoire, la belle, la grande, celle avec une majuscule, celle qui relègue les supposés vaincus aux oubliettes. Elle est écrite en livres pontifiants, en bustes illuminés, en gueulantes puériles sur l'Aitl, en lettres d'or dans la nécrologie et dans les lits des généalogies. Les néons é-claironnent pour mieux dissimuler les fissures d'où les narguent les yeux des méprisés, des oubliés, de ceux qui se cachent en cherchant une chaleur autre que la promiscuité.
De temps à autres, une silhouette vient, à l'insu de tous, s'agenouiller au pied d'un tableau, le contempler longuement, ou en frôler la peinture usée des contacts répétés. Ils murmurent une prière, quelques mots aux disparus, ils pleurent, parfois, ils espèrent, souvent, là, dans ce bâtiment sans fioritures et sans caméras inquisitrices. Seul subviendra le souvenir qu'ils voudront bien y laisser, et ces murmures laissés au smog, aux divinités pas si oublieuses, et à la Ville bienveillante d'indifférence. Une Chapelle en Secteur Rebelle... Une absurdité qui se révèle indispensable.
Pourtant, c'est cette autre histoire que nous écrivons. Celle qui ne se hurle pas, ne piétine pas son voisin en riant à sa peine, celle qui n'érige pas les gratte-ciels des conquérants. Celle de ceux qui, toujours ou un instant, écouteront le vent plutôt que le posséder, tendront l'oreille, doucement, plutôt qu'un bras armé, et qui n'auront vaincu que de n'avoir pas lutté, renonçant à convaincre les cons vainqueurs.
Je les aime beaucoup, ces silhouettes qui se faufilent entre les alcôves, et qui croient doucement, et qui croissent lentement comme le font les fongus. Qu'elles sont belles, ces braises qui dorment sous la cendre, et qu'il est bon de souffler dessus comme l'on disséminerait un nuage de spores au smog. Un jour, vous et moi, nous nous décomposerons ensemble, loin de l'immortalité menaçante et du bac à sable des conflits glaçants.
Je ne tuerai pas. Je préfère écrire avec vous cette histoire, et qu'elle traverse en filigranne chaque décrépitude et chaque renouveau.
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Informations sur l'article
Celle qui ressent le gris
17 Novembre 2017
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