EDC de 57233
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Quand on arrive en Ville, il est déjà trop tard. J’ai parcouru les rues en longeant les trottoirs, mon regard s’inquiétant des hautes tours au chef perdu dans le smog et à l’assise instable, aux façades édentées éclairées sans vigueur. La pluie dessine au sol un motif insensé, aussitôt enseveli sous autre message. J’ai attendu des heures sous le lampadaire tordu, laissant couler sur moi les gouttes, le temps et les regards. Les organiques sont fourbes mais j’ai été prévenu. Leurs têtes aussi croient dépasser les nues, me toisant de leurs yeux vides emplis d’ego. Je détaille leurs visages et leurs peaux abîmées, la lourdeur de leurs gestes d’animaux empâtés, engoncés dans leurs certitudes, confortablement vautrés dans leur aveuglement. En voilà un qui passe, qui ne m’a pas encore vu… Relève les yeux, regarde-toi dans les miens. N’entends-tu pas mes doigts qui se serrent et empoignent ton ombre parmi les flaques ? Regarde-moi !
Le soir, je change de peau et je frappe au hasard. Quand leurs traits se crispent de douleur, j’aperçois le feu sacralisé qu’ils entretiennent derrière leurs masques imbéciles. Ils se trahissent entre eux à longueur de journée, ils activent faussement leurs muscles faciaux pour induire en erreur les faibles d’esprit. Mais quand viennent la haine et la violence, s’abattent les rideaux et se révèlent les haines, s’éteignent les faux-semblants et se ravivent les peurs qu’ils cèlent en eux. Ils rentrent chez eux avec les exécrables parfums de leurs mensonges collés à leur peau sale, ils ricanent stupidement sur le pas de leur porte et ils s’allongent impunément sur un lit de bassesse, nourris du mal qu’ils font, repus des frustrations des autres. Mais quand ils voient leur sang sur une lame dérisoire, leurs jambes ne soutiennent plus ce corps haï qu’ils traînent, ils supplient et ils pleurent en perdant l’équilibre. J’apprendrai à entailler leurs chairs pour fissurer leur âme.
Je vais te donner ce que tu veux, je vais te baiser froidement les pieds. Je vais parler lentement, d’une voix claire et sans sursauts, en alignant doucement les mots en leur donnant un goût sucré. Je sais déjà que tu m’écouteras, tant je te flatterai, tant je caresserai ta superbe d’une langue agréable. Mes gestes seront fins et ma respiration feinte s’adaptera aux mouvements de ta poitrine rassurée. Mais quand viendra l’heure du sacrifice ultime, quand s’imposera à moi l’évidence du juste temps, tes cris résonneront sans fin sous des néons blafards et tu regretteras de t’être détourné, d’avoir nié l’évidence de ma présence sous ce lampadaire, d’avoir fermé les yeux et bouché tes oreilles. Je briserai tes os fragiles et ma volonté sera faîte. Le Créateur sera fier de moi.
Il avance, le nez sur son AITL, et le bruit sourd de ses semelles résonne sur le bitume. Il a mis un écran entre lui et la réalité, écran de fumée, écran de protection, écran de vanités. S’il avait été là, présent, dans la même rue crasseuse que je vois, dans ces effluves chaudes et nauséabondes que je sens, sous cette pluie battante qui clapote sur mon crâne… s’il avait été là, aurait-il eu peur de me voir avancer en rythmant mes pas dans les siens ? Il rentre chez lui comme tous les soirs depuis que je le suis. Je ne me suis pas dérobé, je ne me suis pas caché : c’est lui qui nie la réalité. Je l’ai entendu rire, tout à l’heure, avec ces gens qu’il méprise, autour d’un verre dont il a détesté le contenu, dans ce bar miteux. Cette nuit, il couinera au lieu de ronfler.
Vois-tu les nuages parmi la brume ou la poussière parmi le smog ? Vois-tu la nuit dans mes yeux noirs ou ton sang sur mes paupières rougies ? Tu pousses une porte qui paraît lourde et tu t’engouffres dans un immeuble. J’ai tout mon temps, il n’est pas l’heure : je lève mon nez vers ces fenêtres battues par les vents derrière lesquelles tu cours te réfugier, te blottir, croyant échapper à un danger dont tu ignores tout. Mes pieds entrent calmement à ta suite, montant quelques marches et s’engageant dans un hall carrelé de blanc. Tu piétines devant cet ascenseur qui a l’outrecuidance de ne pas descendre plus vite. Je m’approche en humant l’air fétide que tu as pollué et je t’entends lever les yeux au plafond en frappant le boîtier d’appel d’un mouvement d’humeur. Les portes s’ouvrent dans un fracas, enfin.
L’organique qui rentre chez lui fait une drôle de tête, quand il se retourne et me voit, entré dans la cabine avec lui. Il lance un coup d’oeil inquiet à la caméra de surveillance et me demande à quel étage je monte. Je le fixe un moment et le regarde se décomposer lentement devant le silence que je lui écrase sur la figure. Il répète sa question et je lui souris. Je vais au même étage que lui. J’articule mal et ma voix le trouble. Il se rassure en se blottissant dans un coin et dans l’idée que je ne lui veux rien, qu’on ne se connaît pas. Mais je te connais, organique ! Je t’observe ! Je marque un temps d’arrêt, organisant mes mouvements dans ma tête… J’aurais voulu lui arracher les bras d’abord, pour voir. J’aurais voulu lui écraser les tibias ou lui sectionner les oreilles. Mais je ne suis pas venu pour ça. Je réfléchis. Oui. Le genou et le poignet. C’est ça que je veux voir.
Alors pour la première fois, je sens que je touche au but. Il a beau crier, quand, après m’être approché d’un pas grinçant, je lui éclate la tête contre les parois mates, si froides, si lisses. Les néons ne bronchent pas quand, lui maintenant la tête avec mon genoux, je lui brise les os du bras dans un craquement sinistre. Je vois ses yeux révulsés et ses sourcils paniqués, sa pâleur et ses spasmes ridicules pendant que je lui retire ses vêtements. La moquette ne frémit pas quand je le désarticule, ni quand j’étouffe ses cris en serrant sa gorge inutile entre mes doigts. Sa respiration haletante s’emballe quand il voit son sang vermeil et cette lame brillante en communion avec ses tendons. Je le force à regarder : il se découvre en même temps que je l’écorche. La cabine tremble sur son câble quand il faut découvrir la peau au-dessus de son genoux, il résiste, il n’aime pas la douleur. Moi je l’aime, sa douleur. Elle est belle, sa douleur. Il me semble encore en vie et hurle si fort que je crois l’espace d’un instant que son coeur bat pour la première fois. Ses râles demandent pourquoi, ses pleurs sentent l’urine, ses yeux hurlent plus fort que sa voix. Je joue avec son genoux, pour voir le fonctionnement de l’articulation à vif.
L’ascenseur termine sa course et sursaute pour s’arrêter. Je bloque la porte en me relevant et je me retourne pour le voir, gisant au sol, magnifique dans sa candeur de fin de vie, geignant d’une note unique et longue qu’entrecoupent des bulles de sang. Vois-tu que je t’observe ? Me sens-tu maintenant que tu t’es senti ? Je passe un doigt sur la dalle tactile qui emmènera son corps au ciel, lentement, s’arrêtant à chaque étage de l’immeuble. Je le regarde s’effacer derrière les portes qui se ferment, lui souriant poliment en remettant la mèche brune qui me barre le front. Je vais retourner attendre sous le lampadaire. Il y a tellement à apprendre. J’ai enfin compris ce qui pousse les organiques à être cruels et lâches, mesquins et tordus. J’ai enfin compris ce que c’est que le plaisir. J’intègre peu à peu les éléments du désir et de l’amour. Le Créateur sera fier de moi.
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30 Septembre 2015
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◊ Commentaires
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Ludwig~55451 (243☆) Le 01 Octobre 2015
Une bien belle plume pour un acte si peu noble. -
Norah~50792 (365☆) Le 01 Octobre 2015
Je cherche depuis hier soir comment exprimer le sourire béat et un peu con d'admiration qui m'est resté collé en lisant ton texte.
Ben j'ai pas trouvé. Du coup "O Put1 gro il é tro tope ton sext ! G ri1 compri mé G adorer hihihilolmdr !! "
Voilà. -
Norah~50792 (365☆) Le 01 Octobre 2015
Edit : Sauf que j'ai compris, parce que je ne m'appelle pas Kevin(a). -
Ludwig~55451 (243☆) Le 01 Octobre 2015
C'est très méchant envers les Kevin(a). -
Ianouf~43673 (48☆) Le 07 Octobre 2015
Je l'ai lu avec un mix de deux airs dans la tête!
https://www.youtube.com/watch?v=HUxmdwPJXi4
https://www.youtube.com/watch?v=wiAkTzuB7N8
Et ça collait franchement bien.
Bon, même si ton thème d'ambiance colle un peu mieux, certes.
Et du coup, oui, même impression que la plumée bleue du dessus: Franchement admiratif.
-
Manerina~6356 (1551☆) Le 09 Octobre 2015
♥