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VI. « Dialogue avec mon réverbère »
Dis-lui que la crainte de la souffrance est pire que la souffrance elle-même. Et qu'aucun n'a jamais souffert alors qu'il était à la poursuite de ses rêves.
Les réverbères s'alignaient le long des rues, étroites pour certaines, large pour d'autres. Il n'y aurait eu rien de plus sombre que la nuit si elle n'était pas éclairée de ces longs lampadaires, qui pour les écureuils étaient l'équivalent d'un gratte-ciel. Leurs mâts de jais disparaissaient dans le noir intense et la seule indication de leur présence était la luminosité des bulbes alimentés par les farins. Non, il n'y aurait rien eu de plus sombre sous ce smog charbonneux.
Je me retrouvais à slalomer au fil des rues, jouant de leur emplacement strict et continu. Je me suis approchée alors devant l'une des silhouettes froides. J'ai levé les yeux un instant vers sa lumière puis détournât en hâte le regard, aveuglée par les scintillements dorés qui me picotaient les pupilles, papillonna plusieurs fois des paupières avant de recentrer mon regard sur la glorieuse élévation. Paupières, que je plissais soudainement en remarquant son air de dédain.
Qu'est c'que vous avez à m'regarder comme ça vous?
Je vacillais face à la statue après, vous l'aurez deviné, un certain abus d'alcool. La bouteille d'ambré en main, je pointe mon index à lui.
Nan mais j'vous dérange? Ca s'fait pô d'rester comme ça au milieu d'la rue, comme ça! Commeuh ça?
J'agitais d'une manière ridicule mon index comme pour gronder un enfant, sans réaliser que c'était moi la plus enfantine et que si quelqu'un passait par là, il aurait le droit à un joli spectacle.
Je ne réalisais pas que j'étais dans votre chemin chère enfant, malgré tout, je ne peux m'ôter de celui ci car j'y suis enraciné.
Vous ôtez, vous ôtez? Z'êtes qui pour m'parler comme ci comme ça vous?
J'avalais maladroitement une nouvelle gorgée du liquide âcre et frissonnai quand il frayât son chemin le long de ma gorge pour venir me brûler l'estomac.
J'bougerais pas tant qu'vous, vous s'rait ici mooonsieur! J'y crois pas, les gens d'nos jours...Tss.
Vous êtes souvent aussi seule?
Je restais silencieuse face à cette question, ne sachant pas trop comment y répondre. La bouteille se replaçait devant mes lèvres en un geste rapide et je m'hydratais a nouveau d'alcool.
Êtes vous heureuse, Lyra?
M'bah comment qu'vous connaissez mon prénom? Et pi' j'vous en pose moi des questions? Nan.
Ne vous comportez pas de la sorte ma chère, et puis si c'est pour que vous restiez là en attendant mon passage, autant faire passer le temps puisque je pense qu'il va être long.
Je lui offrit une grimace et puis décida de m’asseoir dans cette poussière vicelarde contre le lampadaire qui me semblait très arrogant. J'y appuyais mon dos et comme une poupée molle je restais la contre lui avec ma bouteille. Une vrai poivrote.
Pour être heureux, j'pense qui faut avoir souffert auparavant. Qui faut s'trouver là pour être sur de pouvoir monter jusqu'là.
C'est avec des gestes approximatifs que j'expliquais mon raisonnement, en tendant ma main droite à l'horizontale la descendant vers le bas et puis la remontant ensuite.
C'est en résistant au malheur qu'on a une chance de gagner l'bonheur, j'crois qu'j'ai lu ça quelque part.
C'est facile à dire.
Sans doute, mais c'vrai.
Et êtes vous heureuse?
Je fixais le sol, perdue dans des pensées emmêlées.
Mh, je.. pas vraiment. admis-je.
Le bonheur c'comme une écharde, ça nous colle à la peau quand c'est là. Quand c'est plus là, il y a toujours la trace mais elle est vide. Pi' maintenant, tout le monde cherche à combler tout les vides. C't'un peu comme ça, ça deviens une obsession. Ouais, une sacré obsession.
Je commençais à douter de mes anecdotes pas très réfléchies, j’étais complètement saoule et même si je me croyais profonde, c'était sans doutes que des mots pervertis par l'alcool qui dégoulinaient d'entre mes lèvres.
Les vides?
Ouish, les vides. Quand dans une conversation quelqu'un bah il cesse de parler, cela créer une sorte de vide. La présence qui était amicale et sympathique devient plutôt..désagréable et puis ça rend inconfortable très vite.
Ah?
Ouais, c'pour ça qu'autant de gens raconte de la merde.
C'est maintenant que je réalise qu'il avait du faire exprès d'installer un silence pile à ce moment là. Cela devait être un test et je jouais le jeu, je restais silencieuse jusqu'à ce que le lampadaire bavard (sans doute pas autant que moi) rompu ce silence. Je sentis son regard chaud se braquer sur moi.
Vous êtes malade?
Oui. Je souhaite mourir.
La mort? La mort n'existe plus depuis longtemps, ma chère
Peu importe, je vais la retrouver, je ne suis pas comme les gens ici. Je me fiche de la mort, de la mienne. Je ne la crains pas, et je n'la fuis pas.
Elle changerait quoi pour vous cette mort?
Elle chang'rait beaucoup de choses pour tout le monde. Quand on y pense, bah la mort serait plus bénéfique que notre immortalité. Si les gens avait peur d'mourir, bah p'têtre qui feraient plus attention à ce qu'ils foutent. Et puis, ils feraient les choses bien quoi. Et puis moi j'aurais plus à souffrir autant en attendant l'bonheur. C'pour ça que j'la cherche. Et quand j'l'aurais trouvée, je serais encore plus excitée que l'homme qui a trouvé l'premier des écureuils. Ça vaudra, ça...ça vaudra bien le..le coup..
Mes paupières se plombaient, et je restais assise là, balbutiant ma colère contre ce lampadaire jusqu'à ce que mes mots se transforment en grommellements presque inaudibles et que le sommeil m'emporte.
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Informations sur l'article
L'écureuil
22 Juillet 2014
1107√
11☆
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◊ Commentaires
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Zed_Brown~50702 (38☆) Le 22 Juillet 2014
C'est coolos ! -
Kmaschta (234☆) Le 23 Juillet 2014
Heureusement que tous les lampadaires ne sont pas si causant ! -
Ethayel~30165 (767☆) Le 23 Juillet 2014
Ma perso se sentirait moins con si elle savait qu'une personne parlait à des objets.
Texte bien sympathique =) -
Uhmoja~50659 (41☆) Le 24 Juillet 2014
Un texte qui fait sourire, plaisant a lire Bravo