EDC de 48602

Les vapeurs cotonneuses qui émanent de mon verre nimbent mon esprit. Des flashs rosâtres, reflets sensuels. La fée rose est bien perverse. Une masse se pose à mes côtés, faisant grincer le tabouret. J’enquille ma Mort’, bref rictus.

- Salut p’tit gars !

Sa main se décalque entre mes omoplates, manquant de peu de désolidariser mes poumons de ma cage thoracique. Craquement de vertèbres quand je redresse ma carcasse malingre.

- Hmmm ‘soir…

Mon regard perçant souligne la balafre qui serpente sur son visage avant de croiser son regard, neutre. Je le vois esquisser un sourire avant qu’il ne commande 4 ‘teilles de skiwi. L’une d’elle glisse devant moi.

- Cul sec p’tit gars ! lance l’orc, goguenard. Y a rien d’meilleur.
- C’vaut pas une mort’…

Mes longs doigts se referment sur la bouteille, la soulève lentement vers le plafond. Mes pupilles se rétractent sous le halo blafard du néon filtré par le liquide ambré. Le type à côté de moi arrache le bouchon entre ses dents avant de descendre son skiwi comme si c’n’était qu’une vulgaire canette de glukoz. Je porte le mien à mes lèvres, pas spécial’ment convaincu. Une saveur âcre et piquante sature mes papilles, enivre mon palais. Une nuance empyreumatique qui atteste l’âge de ce skiwi. L’alcool irradie son poison, desséchant progressivement mon œsophage. J’repose le cul d’la bouteille sur le zinc bien après mon voisin. Mes paupières semblent un peu plus lourdes.

Jamais un sans deux aurait dit un orc un jour… sans doute parce qu’il ne savait pas comptait plus loin. Quoi qu’il en soit, la jumelle ambrée se trouvait déjà devant moi avant que je ne puisse lâcher quelques réticences. Parait qu’on n’refuse pas un verre.

- Qui est partant pour un p’tit duel ?

Le tas d’muscles est déjà au milieu du bar, faisant craquer les jointures de ses doigts. Si j’n’avais pas l’ombre des deux bouteilles devant moi, j’aurai pu croire entendre le tabouret voisin soupirer de soulagement. Y a c’truc avec l’alcool. La désinhibition de certains réflexes. J’capte à peine quand mes jambes me portent face au type. Il ricane alors qu’une serveuse se glisse dans son dos. Je fixe ses mains, aussi larges que l’cul d’un troll. De quoi t’allonger d’un coup. J’sais même pas comment j’ai pu encaisser ces deux litres de skiwi. Je cligne des yeux, attention très fugace. Perception altérée. Le type s’occupe de la femelle. Elle recule, encaisse. J’discerne même pas les regards qui se posent sur moi. Ni les bribes éventuelles. Y a que lui. Champ de vision réduit à cette montagne. J’esquisse un pas, bien trop lent. Mon poing frôle son flanc sans qu’il ne me jette un seul regard, toujours occupé à danser avec l’autre. Equilibre repris, nouvelle tentative. La douleur vrille ma tête déjà embrumée. Léger voile noir. Paupières balbutiantes. La suite est un peu floue. J’me souviens juste du contact frigide du sol contre ma joue.

- Ca va p’tit gars ?

Le pseudo humain me tend une main.

- Tu n’t’es pas dégonflé p’tit gars. J’aime ça. J’suis Jack. Jack Striker.

Une lèvre fendue. Un coquard naissant. Le gout de l’alcool s’est cuivré. Je déglutis avant d’lacher un simple :

- Bishop.

Nouvelle claque dans le dos.