EDC de 48602

Un début de soirée comme les autres. Les clameurs de l’école s’estompent doucement alors qu’une bouffée d’air fraiche me cingle le visage. Je rajuste le col de ma chemise au-dessus d’ma dermique. Faut vraiment qu’j’me trouve un blouson. P’t’être demander à Nohrs. C’fait un moment que j’me suis pas connecté à son espace matriciel. Un cuir noir. Ou marron…

J’reconnais quelques visages, sans forcément pouvoir y associer un nom. J’me traine au zinc, me laisse tomber sur un tabouret, zieute les trois piliers qui me font face. Seul celui du milieu retient mon attention. Une humaine. Les joues creusées, le regard terne, presque éteint, cerclé d’un noir insipide qui contraste à peine avec la pâleur maladive de sa peau. Les pupilles dilatées courent sur le visage de sa voisine, trop rapides. Ses cheveux, plus que rebelles, pallient difficilement à harmoniser quoi que ce soit. Une épave.

La lame perce le métal, glisse le long du bord de la conserve. L’elfe avale la mixture douteuse sans sourciller. L’amertume de la pix’ aura peut-être le mérite de relever le gout. Un papier se mue un instant entre mes doigts avant de se consumer. J’repose mon zippo sur le comptoir. L’adresse se glisse dans un coin de ma tête.
Adossé au zinc, j’avale une gorgée de pix’. Je claque ma langue contre mon palais, amertume tenance.

- C’quoi ton nom ?
- Freak

L’autre ricane. Quelques menaces en l’air, à qui a la plus grosse. On pourrait croire l’histoire de… ‘tin c’comment l’titre déjà… la folle et la poivrote ?

Sa main gauche se plaque sur ma gorge, la mienne se glisse dans mon dos, se referme sur le manche de mon épée. J’me redresse maladroitement mais fermement, la dominant maintenant d’une bonne tête, l’obligeant à lâcher prise. L’autre ne cesse de scander son nom, incapable d’aligner plus de deux mots. Freak se recule, sourire sadique collé à ses lèvres. Mes pupilles croisent son regard animé d’une étincelle morbide. Sa tronçolame vrombit avant d’avancer dangereusement vers mon épaule. Les dents visiblement pas des plus neuves frôlent le tissu de ma chemise qui se déchire, lambeau aspiré par la chaine. La lame énergétique fend l’air, légère odeur d’ozone cramé. Trop léger comme arme. Mal équilibré. Pas habitué. Parade. L’épée coule contre la chaine, avant que j’me mange le corps de la tronçolame en pleine gueule. Perte d’équilibre. Ouverture. Dans tous les sens du terme. J’sens à peine les dents déchiqueter mes entrailles. J’ne vois que le sourire figé sur son visage rachitique. Freak se jette sur moi, arme qui tourne encore, abandonnée au sol.

J’ne vois plus grand chose, champ de vision trouble. Quelques cris. Des bribes d’injures. C’marrant comme le corps se déconnecte de la réalité. Un interrupteur arbitraire. J’ne vois pas la folle sectionner ma jugulaire d’un coup d’kanuf, ni m’arracher un morceau d’épaule de ses dents. J’ne l’sens pas plus que si un troll s’asseyait sur moi. Juste un cri. Un… Le cœur s’essouffle, n’ayant plus grand-chose à pomper. La puce APM s’enclenche, léger arc électrique commandant l’apoptose accélérée des cellules de mon organisme.

Il ne reste bientôt plus qu’une flaque saumâtre, une folle maculée de sang et une tronçolame qui gémit.