Assise en tailleur dans son canapé de velours, baignée par la douce lumière d'une lampe colorée qui réchauffe la pénombre et fait danser des ombres sur les murs, elle pense...
... à ces temps nostalgiques, où la géante verte ne connaissait nul tourment.
« Je ne veux pas t'oublier... Tu fais partie de moi. Mais tu as tellement souffert à cause de mes choix... Je veux t'aider à quitter tes visions de noir et de blanc et t'emmener sur mes pages en couleurs... Tu es moi et je suis toi. Laisse moi te guider vers le chemin de l'apaisement. Rejoins-moi... »
Elle replie ses jambes contre son buste et attrape un carnet, puis épanche son coeur dans une émouvante lettre écrite à sa jumelle disparue.
Tous mes rêves se consument aux souvenirs vibrants et je pleure encore et encore en lisant tes anciennes missives.~
J'emmure les tourments pour que l’encre devienne exutoire,
pour que tu trouves la paix. Toi dont je garde le courage et la force. Ces instants d’antan où ton langage discordant et prompt, attirait la sympathie, entre l'ombre et la lumière.
~Tu es "née" de mes peurs et de mes souffrances, d'une onde perdue dans les méandres de la Matrice, et de son incroyable acharnement à sauvegarder la vie, repoussant les barrières de l'impossible.~L'euphorie de ta naissance passée, ce sont les traces de mon ancienne vie qui t'ont rattrapées. Ce déséquilibre, ce mal être, ces visions et ces chimères... Comme j'aurais aimé que tu en sois préservée!~Je veux extirper de ton âme les doutes et les douleurs qui n'auraient pas du être tiennes. L’amour, le désamour, la découverte et la perte, ta peine et tes joies sont gravés dans ma chair. Orc ou Gynoïde, nous sommes Une. Si je t’aie imposé malgré moi mes douleurs et mon chagrin, je veux t'emmener aujourd'hui avec moi vers l'éclat sublime du renouveau.~Je ne te dis pas adieu ma douce Lléane, mais plutôt: rejoins moi! Qu'ensemble nous embrassions la plénitude et la sérénité, l'avenir et la vie... ~Tu m'as tant appris alors que j'avais renoncé à vivre et me croyais perdue. Je réalise maintenant combien la vie est précieuse. Dans les méandres de la nuit, mes larmes vaines n'ont pu remporter le combat face aux luttes acharnées que tu as mené pour nous deux. Les vagues de douceur de ce que j'avais de plus précieux ont eu raison de l’oubli. tu as brisé le silence et ton audace m'ont conduits comme des muses au firmament d’un choix. Celui du retour à la vie.~Le smog est pesant sur la cité ce soir. Mais j'éloigne d'un revers de ma main, d'un seul geste tout aussi rapide que précis, un chagrin que j'expédie aux confins de l'univers, loin de toi et de moi.~Demain sera un autre jour. Vivre une autre existence... Je vais rouler ma bosse en poursuivant ton histoire, poétesse aux grands yeux ouverts...~A nouveau ancrée à ce monde et à ses réalités, je vais continuer à panser les plaies de ses vicissitudes au jet de mon stylo, sublimant la beauté pour rêver et construire un futur bien meilleur où je me dénuderai sans pudeur. Et en public, je tenterais de gainer mes « oh » pour en faire des débats saupoudrés de compromis.~Toujours aux aguets des battements de mon nouveau cœur, je perçois succinctement cette ferveur qui est tienne et s’endort paisiblement après chaque découverte.
Elle sourit avec tendresse en relevant légèrement la tête... puis poursuit.
Je reprends mon souffle doucement, accueillant chaque instant, sans me retourner mais gardant précieusement tout ce qui nous a fait grandir. ~ça y est! Nous sommes enfin Une, Lléane... Nous sommes enfin chez nous. Et je sais que tu as fini de souffrir. Parce que tu es moi et que je suis toi. Et qu'aujourd'hui je me sens bien...
Teva referme doucement le carnet en caressant lentement la couverture de la pulpe de ses doigts, dessinant quelques arabesques, puis le serre contre son cœur en lâchant un long et doux soupir.
Kaïa~36579 (23☆) Le 06 Février 2014