EDC de 43825

Étrange existence qu'est la mienne...

Je vogue de réalité en songes, et de songes en rêves.
Toujours le même constat : à chaque réveil, je me sens mal.. dans un corps trop lourd qui freine chacun de mes mouvements. Les tempes prises en étau entre mes pouces, exerçant une puissante pression qui ne calme pas mes maux, je fais face alors à des sensations étranges et déroutantes qui me mènent à un épuisement total.

Entre sensations pesantes et familières, entre flashbacks et odeurs que je ne parviens pas à canaliser, je suis prisonnière d'une cage hermétique qui me brûle le cerveau. Une brève accalmie et... me revoilà happée à nouveau. Encore et encore... dans un tourbillon inextricable.

Qui suis-je ? Qu'est-ce que je fais là ?

Ma mémoire semble habitée et je n'arrive plus à fixer la moindre idée cohérente.
Comme des milliers de pièces de puzzle éparpillées, j'ai la sensation de chercher à assembler des petits morceaux de moi..d'une autre..

Trouver des réponses... je veux comprendre...

L'environnement est étrange tout autour de moi. Tout est en perpétuel mouvement et je ressens une présence. Je suis comme une poussière perdue dans l'air, virevoltant, cherchant une place ou me poser, une place pour commencer à rassembler les morceaux et tenter de reconstruire ma mémoire..
La sensation de ne pas maîtriser mon environnement me perturbe et m'exaspère. Toutes mes tentatives pour prendre une direction et me rendre maîtresse de mon destin me renvoient à l'échec.
Je lutte, je résiste, avec une impression que cela fait une éternité que je cherche à ouvrir mes yeux et mon esprit. Je suis fatiguée... Des flashs furtifs, des images incohérentes.. un trou noir puis un kaléidoscope de couleurs.. Tout bouge autour de moi mais ma vision me joue des tours: les formes sont floues.

La sensation qu'une autorité supérieure m'écrase pour me garder dans mon état larvaire m'empêche soudain de respirer. Même le temps semble ne pas vouloir se décider à me laisser en paix. C'est comme si j'étais dans un espace élastique, passant d’une vitesse affolante à une allure quasiment nulle dans laquelle chaque pas semble peser une tonne.

Pour m'extraire de ce tourbillon et de cette glu, je fixe un point dans l’imaginaire et je me concentre dessus. Qui m’a appris cela ? Aucune idée. Mais en tout cas ça marche: ça m’aide à garder mon calme dans cet environnement assourdissant.

Le point imaginaire devient de plus en plus net me donnant la sensation de réussir mon premier exercice de conscience. Et puis, j’entre dans un tunnel... j’avance lentement. Les bruits diffus s'accompagnent doucement d'images floutées. Puis les contours se précisent peu à peu, et je devine un visage.

Quel est ce visage ? Le mien ?

Elle ne me suscite aucune réaction, juste un vague retour d’émotion sur quelque chose de connu qui me rassure. Ses traits ne sont pas vraiment précis et j’en suis à me demander si ce n’est pas moi qui invente un dessin, produit de mes divagations..

Dans un ultime effort, je repars dans l’étincelante lueur imaginaire que j'aperçois au bout du tunnel dans l'espoir de trouver enfin une réponse. Et puis.. voilà que je suis comme aspirée hors de moi. Plaquée au sol par une mystérieuse autorité supérieure qui me tire en dehors de mon moment de conscience.

Une douleur ! Je ressens de la douleur !

C’est peut-être le lien pour m'extirper de ce trou? Je tente de comprendre. Mais rien à faire: je n'en saisi pas le sens.

Soudain, la scène change: comme un voile qu’on lève sur un plat, je vois! Heureuse puis stupéfaite, je découvre un monde de vivants. J'avance au travers d'ondes tournoyantes, quand tout à coup s’agite tout autour de moi un monstre noir. L'environnement devient sombre. J'ai peur. Je progresse, mais je n'ai toujours pas le contrôle. C'est comme si j'avais l'accès à une passerelle pour voir l’extérieur de mon corps mais sans pouvoir agir. Apeurée et totalement subjuguée à la fois, je ressens l'envie de quitter cette réalité qui ne me convient absolument pas.

Impossible de partir !

Pendant ce moment qui me semble être une éternité, je suis spectatrice d’une vie tonitruante et virevoltante. Et puis... le noir ! Plus rien !Plus de foule. Plus de monstre. Je regagne très vite mon tunnel pour m’y réfugier. Petit temps d’adaptation et je retrouve enfin la sérénité et la clarté. J'aperçois encore ce visage qui devient plus net, relent ténu dans les tréfonds de mon esprit.

Entouré de silence, je pose un pied.. puis l'autre. J’agis, je décide. J’avance vers d’autres formes comme un mobilier. Je peux presque les toucher mais mon corps trop lourd m'empêche de les atteindre. Toujours ce silence étrange.. Je continue ma route vers ma quête de réponse. Elle s’avance vers moi et me regarde. Quelle drôle de sensation: j’ai l’impression de contrôler cette image..

Voilà un temps infini que je suis perdue, passant d'un bruit indistinct à un silence cotonneux pour finir sur ce visage à forme humaine. Je reconnais le mobilier composé d'un bureau, d'un fauteuil, d'un mur encadrant une porte vers un espace difforme. J'arrive à présent à me déplacer à la seule force de mon esprit. Comme après une décharge salvatrice de défibrillateur, tout prend vie autour de moi. Est-ce mon imaginaire ou une réalité enfouie ? Quoi qu’il en soit, je bouge et j’atteins même une base de certitudes. Je bafouille un prénom... et tout devient si limpide.

Limpidité de bien trop courte durée... Une douleur atroce me sort de mon sommeil et j'oublie aussitôt ce que je venais de découvrir. Le temps et mon corps redeviennent lourds et lents. Je me réveille en sursaut, enroulée dans ma couette, épuisée et ruisselante d'une sueur qui me glace le dos.

Autour de moi, la réalité me semble différente et je crois avoir pris conscience de ce qu'il m'arrive.

Je n'ai pas encore toutes les clés. Mais je vais trouver...