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EDC de 36896

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L'éveil

[♪] L'aube sanglante se lève.


    Dans un immense espace aride et désolé, le vautour plane, au gré des vents. Il s'efforce de suivre la volée de rapaces vers leur funeste destination. Il ouvre le bec pour émettre ses doutes. Les rapaces se retournent, furieux, et lui percent les ailes de leurs serres aiguisées, avant de le laisser chuter à son triste sort.


    Je suis faible, délaissé et seul. Mais je suis enfin libre de l'Humanité. D'elle et de ses vices innombrables, de ses rejetons damnés qu'elle crache dans son dernier refuge. Quatre murs, au-delà desquels autant d’Innommables cachent leurs secrets. Neuf secteurs, que je jure de détruire pour purger mes fautes.

    La perspective d'évoluer m'est devenue une nécessité. Je ne dors plus, depuis que cette vision me hante. Cette force indicible et irrésistible résonne en chaque fibre de mon être et m'attire inexorablement. Je saurai bientôt si je suis digne de Le recevoir: l'aiguille vient de percer ma chair sans discernement, afin de répandre son liquide brûlant et haineux dans mes veines.


    Le vautour tombe comme une pierre. Après une descente interminable, il s'affale sur cette terre dure et desséchée. Le choc parcourt son corps à travers sa fragile ossature. Paralysé par la douleur, il ne peut que contempler, impuissant, l'horizon qui sépare ocre et vermeil. Il se traîne faiblement au gré des bourrasques qui projettent un sable friable sur sa carcasse.


    La douleur fait écho en chaque fibre de mon être, c'est insoutenable. Elle mord et dévore, elle me ronge jusqu'à la dernière cellule. Je hurle, je me débats, je me gratte jusqu'à l'os pour expier ma chair pourrie. Mon corps n'est plus qu'une nécrose grumeleuse, soutenue par des ossements qui ploient sous le poids de ma transformation. Je tends un bras atrophié vers la source d'eau, et je rampe, laissant derrière moi un sillage de matières putrides. Boire. Manger. Survivre.

    Même perdre connaissance ne me soulage pas de ce supplice interminable. Alors que ma cage thoracique éclot pour laisser s'épanouir mes nouveaux organes, ma conscience se referme derrière une immense porte, monument de chair encastré dans un monde vermeil. Mon cerveau engrainé par la tumeur qui me transforme ne sait plus différencier souffrance, sensations et sentiments. Les bruits, les odeurs et les images me confondent et me noient dans mes délires les plus sauvages. Je ris et je pleure à la fois, je suis Homme et je suis Bête, je suis infâme, dément, décharné.


    Un cri puissant, crescendo, s'évanouit dans les aigus, au loin, comme un appel. Sans attendre, une multitude de sons donnent vie au désert, dans une cacophonie assourdissante. Rugissements, grognements, halètements, renâclements, c'est une meute de bêtes sauvages qui se profile, au pelage tacheté de nuances volées à la terre brûlée qu'elle parcourt. Le vautour n'est plus que proie.


    Nous sommes forts, unis et regroupés. Les changements apportés par mon évolution me font enfin comprendre tant de choses, celles-là mêmes qui étaient inaccessibles à mon esprit autrefois rigide et étriqué d'Humain. Je ressens la vie dans les moindres détails de son occulte complexité. Je suis transcendé par des émotions que la plongée n'a jamais su me faire entrevoir, que cette maudite famille n'a jamais pu m'apporter, trop occupée à entretenir sa déchéance d'ego et de cybernétique.

    Je découvre de nouvelles facettes de l'empathie, que mon pragmatisme rabaissait sous le nom scientifique de phéromones. Je peux sentir la terreur de ma proie qui se terre dans l'ombre, sa panique lorsque mes puissantes jambes réduisent inéluctablement la distance qui nous sépare; je partage la douleur de mes frères entaillés par l'épée de cet être inférieur, nous éprouvons la même rage, la même haine. Nous sommes unis. Nous sommes un tout. Nous sommes la Meute.


    Ils lui arrachent sa chair de leurs canines, recrachent ses plumes, broient ses os. La souffrance parcourt jusqu'au moindre de ses nerfs, décharges insoutenables. Le sang coule et avec lui s'évapore la vie, hors de cette infernale réalité. Il accepte son ultime supplice, celui qui le fera renaître de sa mort, celui qui à sa mort donnera un sens.





Article HRP. Inutilisable In-Game.

Informations sur l'article

La Rédemption (Valion)
19 Septembre 2020
936√  14 0

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