EDC de 35633

Elle est là, en face de moi... Son sourire se détache parmi les autres, il me semble y décerner un éclat de franchise, chose rare ici-bas, mais ce n'est sûrement qu'un mirage, un voile de plus pour cacher des vérités toujours plus sombre, enfin, je crois...
Toutes les terribles accusations me reviennent en tête alors qu'Elle commence à onduler, non loin devant, sur le macadam froid.

"Elle est la pire... Inhumaine, manipulatrice, menteuse, tueuse. Elle ne vit que pour elle et le mal qu'elle veut causer... Elle n'a pas de cœur... Elle ne sait que haïr..."

Hésitant, je reste en retrait, je n'ose pas, rongé par la peur que ces menaces m'avaient inspiré. Elle se retourne, ses paupières clignent, m'interrogeant silencieusement sans que je ne puisse rien répondre. Elle a la patience de m'attendre, le respect d'accepter sans pour autant comprendre. Que faire, si ce n'est s'abandonner, devant cette marque de considération dont la simplicité n'a d'égal que l'importance à mes yeux..?
Les doutes s'effacent doucement, laissant place à une curiosité presque infantile qui me pousse à la rejoindre, à vouloir la découvrir.
Ainsi j'apprends à connaître un esprit vif aux multiples facettes, aux qualités innombrables et aux rares défauts. Cette aura de vérité qui émane d'Elle me rassure et l'envie d'en savoir toujours plus me prend. Je m'attache, je réalise que mes sourires disparaissent quand Elle s'éloigne, que je m'ennuie quand Elle n'est plus à me prouver qu'Elle a raison et à s'amuser de mes raisonnements aussi alambiqués qu'irréalistes.

Un, deux jours... Je vais revoir l'une de ses détractrices, sûrement la personne que j'estimais le plus au monde, Celle qui a laissé sur mon âme une marque indélébile de son passage, des idées de paix et de tolérance, d'estime pour l'homme et de dévouement à la cause de l'humanité.
Qu'est- Elle devenue..? Comment a-t- Elle pu changer à se point Elle qui prônait la déférence et le dialogue entre Ses descendants..?

"Je viens pour détruire le laboratoire..."

Cette révélation me tétanisait. Ce ne pouvait être possible, pas Elle ... Chacune de mes convictions, aussi profonde soient-elles, venait de voler en éclat. Plus une seule certitude ne s'est maintenue pendant ses courts instants, j'étais réduit à un néant d'angoisses et d’appréhensions.

"Je vous ai déçu..."

"Non..."

Que lui répondre d'autre de toute manière..? Bien sûr qu' Elle m'avait déçu, bien sûr que la désillusion était aussi douloureuse que si cette trahison s'était traduite par un coup de poignard qu' Elle m'aurait assené, mais je n'ai pas eu le courage de m'opposer à ses projets, je n'ai pas eu le courage de m'opposer à Elle ...

"Jamais vous ne me décevrez..."

J'ai cédé jusqu'à continuer à l'aimer malgré tout, l'aimer toujours plus. Maintenant plus que jamais, je comprenais que nous n'avions pas le loisir de choisir ceux que notre cœur chérissais.
Quand vint le moment où je la sentis finalement s'échapper de mon étreinte, le vide qui pesait déjà sur moi s'accentua tellement que le dessein de me libérer définitivement marqua mon âme souffrante.

Et pourtant...
Revoir sur le visage écailleux se dessiner l'ombre d'un sourire me fit renaître, me redonna un peu d'espoir, me redonna l'envie de me battre.

Les doutes restaient présents, les questions se bousculaient, la confiance disparaissait, en les autres comme en moi-même et apprendre était devenu l'unique issue à cette détresse. Alors que mon regard était posé sur la reptile, que je m’abreuvais de ses paroles pour me forger une nouvelle vérité, un mot m'apparut comme une prière silencieuse, un mot tant de fois répété mais qui ne perdait pas pour autant son sens, un mot parlant de gratitude et de reconnaissance, un mot simple et profond.

"Merci..."