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Mademoiselle rêve

Xavier Forneret


The walls so high and you won't feel ♫

Des fois, paraît-il, mademoiselle rêve en dormant ou pleure en dormant. Souvent, un peu plus souvent que des fois et plus de fois que toujours, chaque soir quand le sommeil l'emporte, mademoiselle lutte et se débat, rarement ne gagne. Pour ne pas dire jamais, jamais elle ne s'endort paisiblement ou ne dort tranquillement et toujours elle pleure, vous savez tout.
Mademoiselle rêve, comme tout être, mais rêves sombres et oppressants s'imposent à ses songes.

Ce n'est pas drôle, ce n'est pas amusant, mademoiselle rêve de monstres géants.

Ils passent lentement, leur corps immense balayant les arbres sur leurs passages, sans un bruit. Il n'y a que leurs cris pour percer le silence. Mais mademoiselle ne leur prête aucune attention : mademoiselle est assise sur un ponton et mademoiselle pêche. Un Lincoln pour canne, elle lance son fil attaché à la flèche d'un arc et son appât s'en va flotter au milieu d'un étang bleu et paisible, bordé d'arbres hauts qui ne dégagent qu'à peine une vue sur le ciel.
Qui se fiche de regarder le ciel bleu ? Mademoiselle n'a d'yeux que pour son appât : une tête de Troll, ni plus ni moins, celle d'un Troll mort il va de soi.


I make it to the golden gate and fail ♪


Ce soir, l'appât suscite de l'intérêt, autre que le sien il va s'en dire. La tête plonge et remonte plus tard, un souvenir entre les dents ou dans la gueule d'une bête qui l'emporte ailleurs. Alors au centre de l'étang, il ne reste rien, pas de flèche, pas de fil, mademoiselle sur son ponton et un lac de souvenirs qui remontent à la surface.

Une goutte de pluie au centre des souvenirs efface les images en une onde qui éclabousse d'un remous répété les bottes maculées. Il ne faut pas regarder le ciel pleurer, il ne faut pas relever le regard vers ce ciel aux couleurs abstraites où pleure un vers luisant au sourire absent, éblouissant.
C'est toujours à cet instant qu'Emily sanglote, quand leurs regards se croisent et qu'un peu d'eux meurt ensemble. Cet amour d'une mère sans enfant et d'un enfant sans mère qui se laisse étrangler par les nuages et dont le corps chute, tombe comme le ciel nous tombe sur la tête.
Lentement, il s'écroule dans un râle de bête morte et, gigantesque, la bête de milliers de mètres et lourde de milliers de sanglots s'enfonce dans l'eau.
Voilà les vagues, voilà la nuit qui tout à coup tombe sur mademoiselle figée sur le ponton : le raz-de-marée passe au-delà d'elle, elle qui n'existe plus à présent, qu'on ne devine plus dans cette eau trouble.
Il faut se noyer pour la retrouver, flottante dans un bassin d'eau stagnante, le jaune de sa combinaison jouant avec le vert des immondices qui l'entourent.

Ce sont des ombres qui nagent tout autour d'elle qui ne bouge pas. Mademoiselle voit les griffes déchirer sa combinaison, d'autres griffes la recoudre. Elle voit le vert virer fluo, tout ça n'est plus très sain mais très toxique, mais mademoiselle au lieu de remonter s'enfonce lentement dans l'eau croupie. Peut-être que si elle relevait la tête, la main de métal, tendue, elle pourrait s'y agripper, qui sait.

Sauf que mademoiselle est obnubilée par les ombres et ne voit ni main ni secours. Tout au plus un corps de métal auquel elle s'accroche et qui, inanimé, tel une mauvaise bouée, l'attire plus au fond.

Il ne reste qu'un choix, que mademoiselle Emily connaît et qui toutes les nuits la fait trembler. Quand elle touche le fond et qu'il y fait terriblement noir, quand le souffle dans son respirateur est la seule chose qu'elle entende encore et qu'elle ne peut plus que murmurer des mots muets, mademoiselle ferme les yeux et répète sans un son autre que la respiration mécanique qui emplit son monde solitaire et terrifiant.


All of my wasted dreams on the screen ♪


Même les goupilles, quand elles tombent comme des plumes dans l'eau et touchent le sol, même elles ne font pas un bruit.


C'est chaque soir dans une grande explosion silencieuse que mademoiselle meurt. L'eau voltige et surmonte les Murs, inondant la ville qui se tait. Toutes les nuits, mademoiselle meurt et s'éveille en pleurs.




Alors pour briser le silence de ses rêves et laisser le cauchemar continuer, cette voix d'ailleurs répète, à chaque fois, ces mêmes-mots :

« Tu as peur de mourir pour de vrai, pas vrai ? »


J'avais peur de mourir.
A présent, j'ai peur de continuer à mourir pour l'éternité.



I've sent my heart away, like heroes in the rain ♫



Spoiler (Afficher)
Rien de ceci ne peut être utilisé IG.
Sont "nommés" : Valmont, Manerina, Ash, Astaa, Xaios, Agramf, Yuuri, Kinchaka, Hazel.

Ca faisait un moment que je n'avais rien posté sur EDC et que j'arrive pas à écrire, alors, ce texte et les deux qui sont en brouillon pourront ne jamais voir le jour et/ou disparaître vite fait bien fait.

Le titre est un clin d'oeil à Bashung, évidemment et la chanson du texte, est-ce que je dois préciser pourquoi cette chanson ? x)

Informations sur l'article

I'm living...
15 Octobre 2014
1858√  26 16

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◊ Commentaires

  • Amar (211☆) Le 15 Octobre 2014
    Efface ca et je viens t'effacer IRL ! Tsss ^^
  • Swan~3150 (689☆) Le 15 Octobre 2014
    Joli texte, dont un certain détachement un peu fou se dégage, et donne une mélodie aux mots sans avoir même besoin d'ouvrir le lien du titre.
  • Djino~31724 (155☆) Le 15 Octobre 2014
    Encore.
  • L-X~19531 (1535☆) Le 15 Octobre 2014
    C'est glauque... comme l'eau du lac qui dort et dont il faut se méfier, surtout quand il est sans fond, non?
  • Manerina~6356 (1551☆) Le 15 Octobre 2014
    "ce texte et les deux qui sont en brouillon pourront ne jamais voir le jour et/ou disparaître vite fait bien fait."
    Essaye pour voir è-é
  • Eaven (1181☆) Le 15 Octobre 2014
    *mordra tout comme Amar et Mane. Namého.*
  • Ethayel~30165 (767☆) Le 16 Octobre 2014
    Texte très apprécié, et je le conçois il est dérangeant.
    L'ambiance est morose, mais c'est ça que j'apprécie.
  • Uhmoja~50659 (41☆) Le 16 Octobre 2014
    J'ai beaucoup aimé, mais c'est qu'on ressent vraiment bien l'ambiance glauque/morose qui s'en dégage.
    C'est aussi ça qui fait la force du texte.
    Bravo ! smiley
  • Medea (162☆) Le 16 Octobre 2014
    Très sympa à lire. ^^