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EDC de 25968

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Alerte silencieuse

Le Cyborg avait besoin de réfléchir, de faire le point. Ce n’était pas la première fois et la procédure était bien rodée. Il s’agissait de paramétrer une horloge interne susceptible de relancer son activité, de positionner l’ensemble des fonctions vitales sur un mode automatique et enfin de déconnecter un à un ses capteurs sensoriels : vue, ouïe, odorat, goût, toucher, perception électrostatique, lecture des magnétismes ambiants. Ainsi coupé de l’extérieur, il plongeait dans une méditation parfaite.
Vingt six heures plus tard, l’horloge atteignit le nœud de programme censé déclencher la sortie de transe. Dans l’obscurité de sa villa déserte, allongé sur un amas de coussins, le cyborg reprenait contact avec l’environnement immédiat de son corps. Son regard s’alluma, deux faisceaux ténus de lumière balayèrent la pièce. Tout était immobile autour de lui. La vision infrarouge ne révéla aucune activité organique ou bio-chimique dans la chambre en dehors de sa propre enveloppe charnelle.
Il voulut se lever. Son cerveau communiqua l’ordre à sa main droite de rechercher un appui mais la main ne bougea pas. Il devait s’agir d’un point de compression qui aurait momentanément altéré la transmission au long des fibres neurales du bras. Du coin de l’œil, il observa sa main posée sur un coussin de velours carmin, se concentra sur ce que pouvaient ressentir le bout de ses doigts mais n’obtint comme réponse qu’une sorte de « bruit blanc ». Il sourit intérieurement – simple ankylose étrange et probablement temporaire.
Qu’à cela ne tienne, l’ordre était envoyé à son bras gauche, mais hélas, sans plus de succès. Il fronça mentalement les sourcils dont il était physiquement dépourvu. Dans quelle position avait-il bien pu méditer pour que ses deux membres supérieurs soient à ce point engourdis ? Plusieurs figures de yoga acrobatique défilèrent dans ses pensées, mais aucune ne semblait correspondre à une réalité sérieusement envisageable. Son cerveau finalement inquiet généra deux nouvelles commandes qui tentèrent une percée en direction de ses jambes, en vain.
Suite V2 actionna alors son module vocal pour lancer un chapelet de jurons que personne dans la pièce n’entendrait, mais qui le soulagerait de sa contrariété. Ainsi son esprit forma une proposition haute en couleur : « Saloperie de techno-burne de geek vérolé ! » - Mais aucun son ne sortit de sa bouche, hormis une vibration continue presque inaudible de quatre-vingt douze hertz correspondant à un fa dièse. C’était un comble pour lui qui était cloué au « sol », pensa-t-il.
Il se souvint alors du bug récurrent de sa tablette informatique qui avait un mal de chien à redémarrer lorsqu’elle se mettait en veille. Il pria pour que l’informaticien qui avait construit son interface cyber-bio n’ait pas utilisé le même système d’exploitation que celui de son ordi. Il commença à s’alarmer et, en désespoir de cause, se connecta à son communicateur interne pour envoyer un message personnel à une ou deux personnes qui pourraient l’aider de l’extérieur. Hélas, son modem refusait de répondre.
Il fit un point rapide de la situation :
- son cerveau était OK
- son corps était comme une bûche
- toute capacité de communiquer avec l’extérieur était nulle (hormis l’émission d’un fa dièse en continu).
- depuis plusieurs heptades il n’avait quasiment pas mis le nez dehors, avait coupé presque toute relation sociale et aujourd’hui quasiment personne ne s’inquiéterait de ne pas le voir.
Il paniqua... en silence...
...ou presque : "Bzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzz..."

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