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52 Fillette

Après une paire d’années occupée à observer les humains et à poursuivre pas à pas sa route sur le long et mystérieux chemin de l’humanisation, Suite se rendit compte que lorsqu’il marchait dans la rue les gens se retournaient parfois encore sur lui. Lorsqu’il entrait dans un bar, souvent les clients le regardaient en souriant. Lorsqu’il accueillait des NI au CHI, pourtant, rarse étaient ceux qui mouftaient ou lui faisaient une réflexion. Il mettait cela sur le compte de sa très grande taille et de sa couleur mauve qui impressionnait son entourage.
Un jour pourtant, Suite prit conscience d’un détail qui pouvait sembler étrange. Cela se passa de manière fortuite. Il était assis derrière son bureau face à un nouvel arrivant à qui il expliquait le fonctionnement du Centre d’Hébergement Impérial. Puis il se leva, strict et sérieux dans son costume anthracite, afin de faire visiter les lieux au nouveau résident. Ce dernier l’observa alors avec un rictus amusé à peine dissimulé.
Sans rien en laisser paraître Suite orienta discrètement son dispositif optique là où portait le regard du NI. Il constata que l’objet de ce rictus était ses pieds, mais il ne comprit pas de prime abord quelle pouvait en être la raison. Que pouvaient bien avoir de si drôles ses pieds ? Certes, ils étaient mauves, mais pas plus que son nez ou que ses oreilles. N’y tenant plus, il finit par poser la question :
- SUITE : Je peux savoir pourquoi vous souriez en regardant mes pieds ?
- LE N.I. : Euh… excusez-moi, je ne voulais pas être impoli.
- SUITE : Je me moque de la politesse, alors répondez. C’est leur couleur ? leur taille ? leur nombre ?
- LE N.I. : Ben… juste le fait qu’on les voit.
- SUITE : Je ne comprends pas.
- LE N.I. : Vous portez un joli costume, mais vous êtes pieds-nus. Ca fait bizarre.
C’était donc ça ! Mince ! Suite n’avait pas réalisé que les humains n’étaient jamais pieds-nus en costard. Ni une, ni deux, sitôt la visite achevée il fila dans une boutique et acheta une paire de chaussures.
- LE VENDEUR : Quelle pointure ?
- SUITE : Hein ?
- LE VENDEUR : Quelle taille achetez-vous d’habitude.
- SUITE : J’en sais rien, c’est la première fois que je me procure des chaussures.
Le vendeur resta une demi-seconde perplexe, lui amena une sorte de règle graduée et lui demanda de poser le pied dessus, la talon contre la butée.
- LE VENDEUR : 52 fillette.
- SUITE : Hein ? Pourquoi « fillette » ?
- LE VENDEUR : Pardon monsieur. C’est… c’est juste une expression. Pour cette pointure, le nombre de modèles est limité. Chaussures de ville, bottes ou brodequins de sécurité ?
- SUITE : Comme j’habite en ville, j’aime autant des chaussures de ville.
- LE VENDEUR : On n’a qu’un seul modèle en chaussure de ville.
Une chance, ces chaussures plurent dès le premier coup d’œil à Suite. Il les enfila, la pointure était bonne, il les acheta et repartit chez lui avec.
Une fois à la maison, il s’assit sur un pouf, posa la boîte à côté de lui, sortis les chaussures, les mit à ses pieds et… s’aperçut qu’il y avait des sortes de ficelles qui pendouillaient sur le haut de chaque chaussure. Il regarda aussitôt dans la boîte mais ne trouva aucun mode d’emploi. Il prit donc des renseignements sur la matrice et finit par trouver la solution au problème - c’étaient des lacets. Il téléchargea alors une vidéo qui expliquait comment les nouer, la regarda plusieurs fois, expérimenta l’opération pendant une heure, sans y parvenir vraiment, et finit par remettre les chaussures dans leur boîte jusqu’à ce que Hynna ne se réveille pour lui apprendre à faire des flots.
Ce pas décisif vers son idéal d’humanisation attendrait bien quelques jours, après qu’il se soit exercé sur le laçage de la robe de Hynna. En effet, c’est un terrain d’entraînement à la fois plus simple car les rubans sont plus gros, mais surtout infiniment plus agréable.

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