EDC de 25968

Certes, mon expérience en tant qu’humain m’avait conduit socialement tout droit dans un mur que ma transformation en cyborg m’avait permis de contourner in extremis. Cependant, tout n’avait pas été noir dans ma condition humaine. Si la politique m’avait usée, si mon entreprise avait périclitée, si des amis m’avaient trahi, abandonné, renié, cet épisode de ma vie m’avait au moins enrichi d’une émotion bien plus précieuse que toutes les gloires acquises dans les arènes politiques, économiques, ou militaires : l’amour.

Hélas, j’avais tout quitté si précipitamment – c’est un mal récurrent chez moi – que je n’avais ni informé, ni préparé mon épouse à ce « départ ». J’étais tellement sûr que rien n’aurait changé, qu’une fois passé de l’autre côté, nous nous serions retrouvés comme avant. Ce fut une impardonnable erreur, si impardonnable que lorsqu’après ma disparition je repris contact avec ma veuve éplorée sous ma nouvelle identité, l’accueil avait été froid, chargé d’une rancœur fort justifiée que j’avais bien du mal à combattre.

Aussi débutais-je ma nouvelle existence par une période sentimentale trouble, écartelé entre les ombres du passé et l’appel de la vie. Il est bien difficile de résumer ce jeu autrement que par « fuis-moi, je te suis ; suis-moi, je te fuis ». Tout n’était que déphasage, incommunication, doutes et larmes. Dans ce chaos, une lumière pointa cependant, de plus en plus vive, constante, chaude, et réconfortante ; un nouvel amour, une nouvelle femme qui n’avait pas connu l’humain, qui était amoureuse du cyborg, de Suite, pour ce que j’étais devenu ici et maintenant, avec mes défauts et mes espoirs renaissants.