EDC de 25968

Cependant, Suite se sentait prêt à relever ce défi comme une nouvelle marche à franchir dans son parcours d'humanisation.

Après la fête du CHI, après moult bavardages et dansages, le cyborg mauve avait la tête en semoule et les jambes en coton, aussi n'était-ce guère le moment idéal pour tester sa sensibilité à l'Art. C'était donc avec un plaisir simple et naïf imposé par la fatigue qu'il avait superficiellement apprécié l'expo de Liralith dans la salle du Dark Art' Bar. Toutefois il s'était promis d'y retourner pour regarder vraiment.

Ce fut rapidement chose faite puisque deux jours plus tard il y retourna, accompagné de Hynna. Ils firent alors lentement le tour de l’exposition, se concentrant sur chaque œuvre. Pour cela Suite s’enfermait dans sa bulle, en essayant tant bien que mal d’échapper aux parasites en provenance du comptoir - notamment aux remarques lancées dans un jargon à peine compréhensible par l’écailleux qui faisait office de serveur.

Immersion réussie, Suite avait l’impression de fouler les parois molles d’un arc-en-ciel vibratoire. Il était quasiment hypnotisé par ces portraits naïfs qui dialoguaient directement avec son âme et se laissait porter par leur force à la fois comique et pathétique. Il avait vraiment l’impression de comprendre, non pas l’intention de l’auteur, mais la vie propre de ses personnages.

L’arrivée sautillante de Zheliona avec son amie Zye le tira de ses songes et le ramena presque dans la réalité. « Presque » parce qu’il gardait un coin de son esprit bien au chaud dans le monde de Liralith. Son esprit se trouvait alors écartelé entre les deux univers, celui de l’artiste et celui de la pittoresque paire gobeline-kobold, l’un faisant écho à l’autre. Il était devenu le pont. Il voyait Zye bouger devant lui. Zye n’est pas une personne, c’est une onomatopée, rapide, fulgurante, crépitant comme une étincelle… Comment expliquer ?
- « Et si nous allions au salon ? »
Zye ! Elle se trouve déjà assise sur le divan en train de tester lequel des coussins serait le plus agréable avant que vous ayez eu le temps de finir votre phrase. « Oui, oui. Ah ça, oui, monsieur ! » n’aurait pas manqué de vous faire remarquer Zhel en clignant des yeux. Il observait Zye et ne pouvait s’empêcher d’imaginer son aura chatoyante dessinée par Liralith.

Avec fierté, l’androïde se permit alors de mettre mentalement une croix dans la case « perception de l’art » sur la liste des accomplissements incontournables de sa démarche d’humanisation. Il s’autorisa même à y ajouter une mention manuscrite :
« L’Art, c’est juste ça, quand l’émotion ressentie se prolonge dans la réalité. »