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EDC de 23910

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8) Un casier qui s'allonge...

La cubaine commençait a avoir un casier assez long, pour une jeune femme si fraichement débarquée dans le secteur.
La prison, était-ce la solution pour cette fille, délinquante malgré elle?
Beaucoup de ses actes en effet découlaient de l'ignorance du monde qui l'entourait, et de ses difficultés linguistiques.
Mais les agents n'en avaient cure, et faisaient leur travail, parfois avec un peu trop de zèle, parfois un peu moins. Certains agents de police avaient fermé les yeux sur les erreurs de La cubaine, ça, elle le savait.
Quelques rares personnes avaient essayé de jouer un rôle d'assistante sociale, mais la profession semblait mal rémunérée, et ne suscitait pas de trop grandes vocations.
Il y avait aussi un individu ou deux, et pas toujours ceux à qui on pourrait s'attendre, qui avaient essayé de voir si on pouvait "mette à jour" la réplicante, classée androïde à défaut de mieux.
Elle avait du mal à entrer dans une catégorie, autant qu'elle en avait à s'intégrer dans la société impériale.
Mais Il fallait bien coller une étiquette sur tout ce qui vit ou existe. La cubaine n' avait pas l'air de le savoir, mais elle était donc une "androïde".
Ces tentatives de "mise à jour" de "l'androïde" avaient échoué.
Il s'était avéré que la cubaine ne paraissait pas avoir de prise, port USB, ou autre connectique, mis à part ce qu'on trouve normalement sur beaucoup d'humains: nombril, narines etc.
Elle avait vraiment l'air humaine, en tout points: Son cœur battait, elle était chaude, son corps se maintenant à une température de 37 °C.
Elle pouvait être blessée, et saigner.
Il semblait bien qu'aucun logiciel de langues n'avait été chargé dans la cubaine, et qu'aucun système de mise à jour ultérieure n'avait été prévu. Vraiment étrange...
La cubaine en était donc réduite à apprendre le langage comme n'importe qui l'aurait fait, mais pas comme quelqu'un souhaitant apprendre une langue étrangère, oh non, ça aurait été trop simple.
Imaginez:
vous venez de venir au monde, au stade adulte. Votre cerveau, adulte lui aussi, contient un tas d'informations, sur beaucoup de choses:
De la logique, des mathématiques, un tas de choses utiles à la vie courante, mais rien de rien, le néant absolu, un énorme vide, dans la case langage!
Il fallait commencer par la base même du langage.
Apprendre à parler dans ces conditions était une tâche titanesque. C'est à quoi s'attelait La cubaine.
Courageuse?
Peut-être. Peut-être pas. Peut être qu' elle n'avait tout simplement pas d'autre choix.
C'était ça, ou rester à l'écart de tout, emmurée dans la solitude.
Elle n'était pas sourde mais n'entendait rien. Elle n'était pas muette, mais ne pouvait rien dire.
Elle était isolée, seule, avec elle même, c'est à dire seule avec quelqu'un qu'elle n'arrivait pas non plus à comprendre.
Peu à peu, difficilement, elle apprenait les bases de la langue, mais ses progressions étaient lentes, comme si elle avait été attardée.
Ce n'était pourtant pas le cas, de toute évidence, quand on voyait avec quelle facilité elle utilisait un terminal, ou un deck rétro.
Tous ces aspects de la personnalité de la cubaine l'avait inévitablement conduite en prison, encore et encore, aussi surement que si vous lâchez un œuf d'écureuil du 32ème étage d'un building, il s'écrasera au sol.
La cubaine allait à l'école de la rue, et la rue, impitoyable, la conduisait tout droit en prison.
Dure école.
Allait-elle ressortir intègre, de ces épreuves? Allait-elle garder son innocence, cette légèreté qui semblait caractériser cette fille , devenue fille des rues par la force des choses?
Ou alors la prison allait-elle la changer irrémédiablement, l'endurcir, en faire une mauvaise graine?
C'était difficile à dire.
Tant de choses semblaient ne pas avoir de prise sur elle.
Elle semblait parfois comme une plante artificielle, sur laquelle tombe la pluie. Les goutes ruissellent sur la feuille, mais jamais ne l'imprègnent, ne la touchent vraiment.
La cubaine était solide, ça oui. Mais jusqu'à quel point? N'y avait-il pas en elle une grande part de précarité, de fragilité? Certes la pluie même acide, ruisselle sur les feuilles des plantes, mais un fort coup de vent peut emporter quelques feuilles, voir la plante entière.
Indubitablement, certaines choses pouvaient toucher la fille.
La prison faisait partie de ces choses.
Après sa libération suite à sa peine pour annonces illégales sur l'AITL, elle avait repris sa vie normalement, mais quelque chose la tracassait:
Les points de recherche qu'elle avait accumulés n'avaient pas été effacés.
Elle avait acquis maintenant quelques solides bases de langage, même si elle parlait toujours avec un drôle d'accent à couper au couteau, qu'elle garderait probablement jusqu'à sa mort définitive.
Elle comprenait de plus en plus de choses, de mots, de concepts, et parvenait à communiquer avec de plus en plus de personnes, qui cependant devaient s'armer de patience:
Souvent elle butait sur un mot, une expression inconnue, et devait questionner son interlocuteur.
Parfois ce dernier répondait, et de cette façon, à petits pas, elle progressait.
Elle explorait aussi d'autres pistes:
Elle avait découvert qu'elle pouvait charger les programmes linguistiques les plus divers sur son deck, et à ses moments perdus étudiait par ce biais, en autodidacte.
A la lumière de ses nouvelles connaissances, elle comprenait de mieux en mieux le système dans lequel elle vivait.
Ainsi, La cubaine se rendit peu à peu à l'évidence: la peine qu'elle venait de purger en prison ne concernait que les annonces illégales. Pour le decking, une double peine allait donc venir s'ajouter.
Ses craintes s'avérèrent fondées. Les agents recommencèrent à s 'intéresser au cas "La cubaine" après quelque temps, un jour ou probablement ils n'avaient pas d'autre chat à fouetter.
Après une course poursuite de plusieurs heures, une nouvelle fois assez épique, ayant vu l'implication de 5 ou 6 agents, elle se rendit.
Les agents l'avaient finalement coincée dans un bar du quartier sud de la ville, l'arrestation avait impliqué aussi d'autres personnes présentes.
La cubaine fut donc arrêtée une fois de plus, et enfermée pour une courte peine.
Multi récidiviste, on aurait pu se dire qu'elle allait supporter cette peine, comme les précédentes, et qu'elle n'était plus à ça près.
Mais en réalité, elle commençait peut-être à atteindre un seuil dangereux, un seuil de saturation au delà duquel on ne peut aller sans en subir les conséquences psychologiques.
Alors qu'elle était enfermée dans une des cellules, un des gardiens, une femme, lui demanda si elle avait faim. La cubaine commençait à avoir très faim, ça oui. Elle répondit donc par l'affirmative.
La jeune femme partit, et revint, en lui demandant de tendre le bras.
La cubaine tendit la main, s'attendant à ce qu'on lui donne un bout de pain, quelque chose à manger.
La gardienne commença à pauser un garrot sur le bras de la cubaine pour pratiquer une injection.
Sa réaction ne se fit pas attendre. Elle retira vivement son bras. La fille insistait et voulait piquer la cubaine.
La cubaine, tout en faisant face à sa gardienne, recula dans la cellule, sur la défensive.
Elle recula jusqu'à se retrouver le dos au mur.
La gardienne avança, mais s'arrêta quand la cubaine, telle une tigresse, commença à grogner et siffler entre ses dents.
Il était hors de question qu'on la shoote avec on ne sait quoi, et elle était déterminée à ne pas se laisser faire.
la gardienne resta là un moment, alors qu'un deuxième gardien, témoin de la scène, sortait son arme, prêt à entrer dans la cellule pour tabasser et maitriser la cubaine.
Uriel, qui avait assisté à l'arrestation et était venu voir si l'incarcération se passait bien, s'interposa. Le second gardien, grâce au pouvoir persuasif du troll, ("à ta place je f'rais pas ça.") renonça à tabasser la cubaine.
Finalement, La frêle gardienne, prenant son courage à deux mains, renonça également, disant qu'elle reviendrait le lendemain. Elle quitta la cellule à reculons, sans lâcher la cubaine des yeux.
La cubaine resta prostrée dans un coin au fond de la cellule, toute la nuit. Elle ne ferma pas l' œil .
Le lendemain matin, harassée par une nuit difficile, ressassant des pensées de plus en plus désordonnées, la cubaine, assise par terre, l'épaule appuyée sur le plexiglass, commença à se taper doucement la tête sur la vitre.
"bom... Bom... BOM..."
Elle tapait de plus en plus fort, mécaniquement. Elle commençait à basculer dans la folie? (une androïde peut-elle devenir folle?)
Alors, quand il n'y avait plus d'espoir, alors qu'elle commençait à lâcher prise, à perdre l'esprit, Il se passa quelque chose d' inattendu.
Une amie entra dans la prison. C'était une fille étrange. Elle appela immédiatement la cubaine par son nom. Cette dernière fut ramenée brutalement à la réalité.
Et la réalité parfois peut-être belle.
Cette femme parvint à s' introduire dans la cellule, pour lui apporter à boire, et à manger!
L'espoir avait ressurgit, renaissant du néant.
L'amie la réconforta, lui disant que bientôt elle serait libérée, que tout ça allait se finir. C'était incroyable, de la voir, de la toucher, ici, en prison, dans sa cellule. Cette fille était incroyable, irréelle. Après avoir mangé et bu, La cubaine se ressaisit. Elle reprit courage. Ce petit événement avait suffi à lui redonner espoir, lui donner la force de purger le reste de sa peine.
Après sa sortie, la cubaine se jura une chose:
De ne jamais retourner en prison.
Il fallait d'une part ne plus toucher au deck, du moins rester dans le légal, et d'autre part... Trouver 97 000 cr pour payer l'amende, sinon elle y retournerait encore...

Suite: Les doutes de la cubaine sur sa véritable nature.

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