EDC de 20132

Recroquevillée sur elle-même dans les ténèbres du centre de cryogénisation simplement baigné des lueurs bleutées des cuves, la femme écoutait les bruits sourds de machineries qui se répercutaient jusqu’à elle : au loin le son de machineries, une porte qui claque, des pleurs, ce qui ressemblait à une prière et plus près le ronronnement incessant des pompes et le murmure du liquide toujours en mouvement.

Tout en écoutant, elle se balançait d’avant en arrière en heurtant la cuve dans son dos. Elle comptait ces mouvements qui l’aidaient à se remémorer les épisodes de sa vie. Un. Deux. Cent. Deux mille. Une façon de rythmer le temps dans ce lieu où n’existait ni jours, ni années, ou bientôt elle-même serait inanimée. Mais au bout d’un moment, elle finit par perdre le compte au-delà de plusieurs centaines et son esprit s’égara dans l’évocation vaine de ses souvenirs.

Les lieux, les gens, tout se mélangeait dans ses rêves éveillés mais ils avaient tendance à se confondre les uns dans les autres. Des gratte-ciels noirs se dressaient sous un ciel empli du smog. La lumière semblait impossible. Ici, tout était gris, ses cheveux, sa peau, les murs, le sol, tout était gris et crasseux jusqu’à l’âme des habitants. Tout à l’exception d’une couleur. C’était une couleur mauvaise, la couleur du pouvoir et des pêchés. La couleur des symboles qui ornaient les uniformes, les chevalières et les casquettes. Elle lui brûlait les yeux chaque fois que l’évocation d’un souvenir où elle apparaissait traversait son esprit, lui dévastait l’esprit.

Toute sa vie durant elle avait appris à la craindre, elle avait appris les mots qu’elle ne devait pas prononcer, sous peine d’y être noyée, écrasée, digérée puis enfin rejetée. Des mots qui appelaient la douleur, comme coupable ou innocent, punition ou mérite. Hérésie. Dissidence.

Un nouveau bruit se fit entendre au milieu des murmures, des ronronnements, qui ne cessaient jamais et étaient les seuls signes de vie dans cet endroit. Vie mécanique, mouvements de fluides, de caméras. Un bruit de pas qui s’approchaient doucement. La femme se pencha un peu en avant. Elle tendit le cou dans la pénombre, tentant de discerner quelque chose. Les pas s’arrêtèrent devant une cuve d’où filtrait une faible lumière bleue. Le verrou tourna et le cylindre pivota. La silhouette s’y engouffra après s’être dévêtue. Sans hésitation.

La femme sentit une boule se former dans son estomac, après tout à quoi servaient ses hésitations ?

Elle se déshabilla, et actionna l’ouverture de la cuve, inspira longuement en fermant les yeux. De nouvelles images vinrent à son esprit, des visages défilèrent, certains furtivement, d’autres s’attardaient en lui souriant. L’un d’entre eux la fixa plus longuement, une larme roulant sur sa joue. Mirmael souriait, les yeux toujours clos, tendit la main et pressa doucement la commande de fermeture.