EDC de 2005

Je ne sais pas si c'est moi qu'ai perdu quelques centimètres dans une cuve quelconque..
Ou si c'est la ville qui a gonflé, grandi, pris de la hauteur. C'est la première fois que ça m'arrive, me sentir perdu, étranger, entre ces bâtiments que mes doigts ont pourtant frôlé mille fois.
Quelque chose m'échappe.
Quelque chose ne marche plus. Une fusion qui s'étiole, se décompose...
Et me voilà, me bouffant la lèvre inférieure, a chercher un point de repère. N'importe lequel. Un visage. Un graffiti. Perdu dans ma propre maison. Les membres vidés de leur énergie, la paupière lourde sur une paire de prunelles ternes.

J'crois que j'ai pommé quelque chose d'important. La niac, la patate. J'regarde mes mains, je zieute mon nombril, en relevant mon tee-shirt par un pli, avec une sorte de méfiance, de doute.
J'ai l'impression d'observer le corps d'un autre. C'est dérangeant, presque obscène..

C'est plus moi.
Nan.
Trop d'clônages. Trop de fonsder.
Même le catalogue de mes souvenirs s'effeuille.

Le frisson qui me faisait bouillir le sang au simple toucher d'une arme.. Disparu. Le flingue de premier choix, en bandoulière sous ma veste racornie, semble presque neuf.. Il pendouille comme le sexe d'un impuissant, inutile, délaissé.

Il faut accepter. Lutter contre, c'est m'enliser encore plus dans ce flou qui tapisse mes pensées.

Je dépose religieusement ma quincaillerie derrière un tas d'ordures.
Une main sur la poignée de la porte.
Il y a eu ma mère.
Il y a eu toi.
Il y a eu eux..

Peut être, dans l'immobilité glacée du caisson, me retrouverais-je.
Tant de faux départs. De faux retours.
Je ne sais pas.

Dans un geste familier, je remonte ce futal trop grand qui faute de ceinture décente, tente depuis des années de rejoindre mes pompes en vain.

Allongé au creux du caisson salvateur, la respiration lente, apaisée, j'écoute cette dernière question que m'adresse ma conscience..

..Fuis tu?

Non. Car si j'avais quelque chose a fuir... je resterai peut être.

J'ai sommeil.