EDC de 16725

Le temps passe…

Elle avance avec lui, au milieu d’autres. Le même chemin ? Non. Un chemin parallèle, peut-être.
Un parallèle. Adieu La Forge, bonjour le Centre Militaire. Comme tout le monde.
« Pas comme tout le monde… »
Comme la majorité de l’époque. Il avait insisté, et bien qu’elle préférait passer son temps à fouiller à la recherche de petits trésors, elle avait accepté. Pour rester près de lui. C’était important…
« Pour lui. Mais aussi pour toi, pas vrai ? »
Silence. Répondre ou non, cela revient au même.
Etait-ce uniquement pour ça ? Juste pour être proche de lui plus souvent ? Probablement pas. L’inactivité, depuis trop longtemps. Elle continuerait à fouiller, parce que c’est la seule chose qu’elle est persuadée de faire correctement. Mais il fallait qu’elle bosse.

« Il n’y a pas que ça. »
Ça pourrait très bien.
« Tu sais parfaitement pourquoi. »
Un soupir.
« Tu as raison, il n’y a pas que ça… »

Il y avait eu l’Ouverture. Leur arrivée ? Le commencement, recommencement. Parc que l’Histoire ne nous a pas attendu. La crainte de certains noms s’était volatilisée, pour laisser place à la crainte des personnes elles-mêmes, fraîchement débarquées. Pour quelle raison ? Avaient-ils fait quelque chose pour faire naître cette colère ?

« Le SAS a lâché, je ne veux pas que tu sortes. »
« Pourquoi ? »
« Ils sont nombreux, et tu n’auras aucune chance. Ne bouge pas de l’appart, Nevaeh, s’il te plaît. »

Docile. Elle ne savait pas se battre, de toute façon.
Elle ne bougea pas pendant des heures, se contentant d’attendre en se rongeant le cœur plus que les ongles, fixant la seule chose qui pouvait lui permettre de suivre les combats, de loin : les annonces de propagande des Impérialistes, mais surtout, cette fameuse liste de noms dans cette fichue rubrique nécrologique, qui ne cessait de s’allonger.
« Des noms, des noms, encore des noms… »
Les brutes, sur lesquelles le secteur tout entier était persuadé de pouvoir compter, nos bases, avaient été abattues également. Après de longs cycles horaires. Des personnes qu’elle ne connaissait que de nom.
Puis un nom parmi les autres, un peu plus familier.

- Sight...

« Elle avait eu le malheur de se trouver là, de s’être endormie sur ce siège. Morte pour rien. Mais la mort n’est pas grave, à Dreadcast, c’est bien connu. »
Elle arrêta subitement de faire le tour du petit appart, et s’assit. Comme si le ciel lui tombait sur la tête, alors qu’il n’en était rien. Il n’y avait que la nuit, qui était en train de tomber.

C’est à cet instant qu’il entra. Les yeux vides. Vidé de tout, en fait, comme si plus rien ne l’habitait à cet instant.
« Et si plus rien ne l’habitait vraiment, à cet instant ? »
Il était rentré, au moins. Comme il rentrait tout le temps, mais de façon plus mécanique cette fois, son overboard à la main. A la différence que, cette nuit-là, il ressemblait presque à un fantôme. Le regard neutre, regardant sans voir, immobile. L’immeuble aurait pu s’effondrer que je crois qu’il n’y aurait même pas prêté attention, et qu’il serait resté là, sans bouger.
Le prendre dans ses bras, le premier réflexe en le voyant dans un état pareil. Un geste qu’elle n’avait jamais vraiment fait d’elle-même.
« Tu commençais déjà à changer… »

- Ils m’ont eu…

Un nom ? Peut-être l’a-t-il dit oui, mais elle ne s'en souvient plus. Peu importe le nom, au fond. Ce qui comptait, c’était son état. Il venait de mourir, pour la première fois, et l’on aurait dit qu’il continuait de mourir à petit feu.
Le calmer, autant que possible. Il venait de connaitre ce qui lui était jusqu’alors inconnu.

« Et il ne dormit pas, cette nuit-là. Si mes souvenirs sont bons. Et moi non plus. »

La mort n’est pas grave, à Dreadcast. Mais est-il possible de la voir comme telle pour autant ?