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La mort
C'est terrifiant cette mort, cette boucle infinie que l'on ressasse dans la tête, cette ''lumière'' que l'on voit enfin au bout du tunnel, à laquelle on réfléchira tout au long de notre cuve, le temps que le cerveau reconstruise d'autres souvenirs sur lesquels notre esprit peut divaguer.
Parlons des souvenirs, reconstructions progressives, des flash sans passé ni futur qui, lentement, se conjugent avec d'autres fragments pour former un tout. Et si ça foirait cette fois-ci? Et si ils en avaient oublié un important? Après tout j'ai oublié ce que j'ai mangé il y a deux heptades....
Se sentir pousser vitesse grand V dans la cuve, passer d'un embryon de 2mm à un être humain en bonne santé de 1m70 en vingt minutes, soit 8.5cm par minute, soit 14mm par seconde, à ce rythme là on peut sentir nos os sortir de notre chair avant que celle-ci ne les recouvre, on peut sentir nos ongles percer notre peau pour embellir nos doigts et nos dents, on peut sentir nos dents s'élever de l'os de la mâchoire, percer les gencives, se pousser les unes et les autres jusqu'à ce que chacune ait trouvé une place.
Les intestins poussent à une vitesse folle, deux virgule quatre centimètres à la seconde pour un clonage de vingt minutes. On les sent se tortiller en soi, comme si un banal électricien roulait des prolongateurs de seize ampères, alors que le cerveau se reconstitue et qu'une chose primaire, instinctive s'ancre dans notre conscience: la peur. Non plus la peur de mourir, qui se traduit par l'envie de survivre, mais la peur que tout recommence, que ces pensées noires nous assaillent à nouveau tandis qu'ils s'entortillent comme un tas de viande que l'on hache.
Il bat à tout vitesse, jusqu'au fond de notre tête. La naissance, synonyme de mise en route du corps, a quelque chose d'éprouvant physiquement. Ce stress palpable, cette perpétuelle angoisse, cette peur de renaître à l'envers, jouent un rôle essentiel, car ainsi le coeur est testé comme l'on teste un réacteur nucléaire.
La langue gonfle, on se surprend à penser qu'elle pourrait nous étouffer à force, mais les poumons suivent, stimulé par le tube à oxygène qui envoie une bouffée à épousseter toutes les alvéoles.
Les yeux sont ouverts tout au long de la croissance, sinon nous naissons aveugle. Des formes floues se dessinent devant nous, elles se déplacent telles des spectres, seules visions depuis la cuve avant d'être expulsé par en dessous, avec un liquide qui ressemble à du pus vert sur la peau.
La mort c'est ça et il n'y a pas de service de réclamations, pas d'anti-douleur, car ils estiment que c'est déjà bien assez de vivre son énième renaissance.
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08 Août 2012
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