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Le monde du silence - 1

Le monde du silence

Ce fut un monde de douleur qui l’accueillit au réveil, que lui même salua d’un hurlement silencieux. Il s’était redressé brusquement, se sentant convulser, avec l’impression que tout le haut de son corps brûlait d’un feu pénétrant. Par-dessus le craquement de ses os, le cri de chacun de ses nerfs et l’agonie de sa chair, des voix alarmées se faisaient entendre.
« Il convulse, sanglez-le bon dieu ! »
« Fibrillation ! Injectez 10 cc de… »
« L’EEG devient dingue, il va nous lâcher avant qu’on atteigne le Centre ! »

Dans le flou qui l’entourait, il ne distinguait que des formes vagues se mouvant en laissant derrière elles de longues traînées blanches. L’atroce pression qu’il sentait derrière ses yeux lui donnait l’impression d’exploser, comme si quelqu’un s’acharnait à vouloir les faire sauter de hors leurs orbites. Alors que les formes tentaient de le plaquer au sol malgré ses mouvements erratiques, il constatât avec horreur que son avant bras droit et la moitié de sa jambe gauche avaient été arrachés. Perdant toute force, il fut finalement maintenu immobile. Et ce ne fut qu’avant de défaillir qu’il l’entendit. Un rire mauvais revenu d’outre-tombe, qui résonnait dans chaque recoin de son crâne perforé, l’accompagnant telle une malédiction tandis qu’il sombrait dans l’inconscience.
Le second réveil fut à peine moins douloureux. Elle était moins vive cependant, mais omniprésente et continue, lancinante. Sa nuque surtout le démangeait terriblement, comme si des dizaines d’aiguilles tentaient de s’y frayer un chemin. Apparemment aveugle, il était conscient d’être allongé dans un lit, et d’être revenu à lui au milieu d’une conversation entre un homme et une femme se tenant à proximité.
« Pourquoi ne pas l’avoir cloné ? », demanda la voix féminine.
  • Son encéphalogramme était instable, comme dédoublé. Le scan n’a pas réussi à verrouiller les marqueurs. »
La femme soupira profondément, poursuivant sur un ton désolé.
« Des dégâts cérébraux ?
  • Différentes lésions. Certaines provoquées par des tirs plasma, d’autres par manque d’oxygène. Elles se situent au niveau du système limbique et du néocortex. Nous avons dû procéder à des greffes de cellules souche pour recréer les zones endommagées. Mais le processus prendra du temps.
  • En clair, docteur…
  • En clair, sa mémoire ne devrait pas être affectée, mais des changements de personnalité profonds sont à prévoir. Ce qu’on appelle communément le « siège de la pensée” et le “centre des émotions ” ont été le plus gravement touchés.
  • …
Dans son lit, l’homme, ou ce qu’il en restait, se sentait déjà sombrer à nouveau vers l’abîme, l’effort de concentration pour tenter de comprendre ce qui se disait et la douleur constante ayant vite raison des maigres forces qu’il lui restaient.
  • Regardez EEG… Modifications…tranges…
Et le monde se tût.

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